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Johannes Brahms (1833 - 1897)

 

         

Considéré comme le dernier musicien de tradition classique, Johannes Brahms est l’une des figures musicales romantiques les plus importantes de son temps. Le rejet de la musique de Liszt et Wagner fera néanmoins de lui un compositeur dont l’influence sur le XX° siècle est immense. Caractère difficile et intransigeant, Brahms aborde tous les genres avec succès, à la seule exception de l’opéra.

 

Un prodige :

L’histoire de Brahms est également celle de sa famille. Son père, Johann Jacob, était contrebassiste de formation – accessoirement il pratiquait aussi la flûte et le violon – et au fil des voyages, se fixe à Hambourg où il épouse sa logeuse, Christina Nissen, qui est son aînée de dix-sept ans. De cette union naquit Johannes Brahms le 7 mai 1833 ; son père à 27 ans, sa mère 44 ans.

C’est donc sur les genoux de son père que le jeune Johannes reçut ses premières leçons de musique. Très vite, il fait montre d’une précocité remarquable et son père lui fit prendre des leçons avec le très estimé Otto Cossel en 1841 afin qu’il lui enseigne le piano. Mais ce professeur autodidacte le confia dès 1843 au meilleur professeur de la région, Eduard Marxsen, un compositeur et technicien de premier ordre. De ces deux enseignements, Brahms gardera au fond de lui le culte des classiques (J.S. Bach, Haydn, Mozart, Beethoven).

Parallèlement à l’étude de la musique, le jeune prodige devait très vite subvenir aux besoins financiers de la famille. Pour cela et dès l’âge de douze ans, il enseigna, accompagna des chanteurs ou des spectacles au théâtre municipal, publia diverses petites compositions sous plusieurs pseudonymes, ou joua du piano dans des tavernes de marins. A cette époque, il se livre aussi à une autre activité, la lecture, et découvre Eichendorf, Chamisso, Tieck, Herder, Heine Hoffmann.

En 1849, Brahms fait la rencontre du violoniste hongrois Eduard Remenyi, ancien condisciple de Joseph Joachim, qui va fortement influer sur son destin : en 1853, il décide Brahms de l’accompagner en tournée. Celle-ci aboutit à Hanovre où ils visitent Joachim, qui conquit par le talent du jeune compositeur, lui fait une lettre de recommandation pour Liszt, mais à cette époque, Brahms est rebelle et se montre hostile à toute forme de modernité musicale – même Schumann lui pose quelques problèmes stylistiques.

        Joseph Joachim

Le 30 septembre 1853, il se rend à Düsseldorf et y rencontre Schumann ; c’est la naissance d’une profonde amitié, au travers de sa Sonate pour piano en ut majeur op.1 qu’il joue devant le couple musicien admiratif. Après avoir fréquenté les Schumann pendant un mois, il se rend à Leipzig où il reçut un accueil chaleureux. Il y rencontra l’un de ses premiers admirateurs Hector Berlioz et Liszt qui marque envers lui une sympathie remarquable.

Son amitié pour les Schumann était telle que lorsque l’auteur du Paradis et la Péri se jette dans le Rhin et se retrouve en clinique (1854), il est présent pendant plus de deux années dans la famille de son ami. Cette situation rapprocha naturellement Johannes et Clara, en amitié et en amour ; l’amour entre ces deux âmes gardera des signes jusqu’à la mort de Clara. Quoiqu’il en fut, ils restèrent très bons amis et Brahms accompagna souvent Clara dans ses tournées ; elle fut pour beaucoup dans la diffusion des œuvres de Brahms.

 

De Hambourg à Vienne :

Malgré ces épreuves, Brahms continuait toujours à donner des concerts en Allemagne du Nord, avec ou en duo avec Joachim, et à se perfectionner dans l’étude des maîtres anciens, comme Schütz ou Palestrina. Il ne peut pas non écrire beaucoup et se contenta simplement d’harmoniser de nombreux chants populaires. En 1857, il obtint le poste de chef des chœurs à la cour du prince de Lippe, à Detmold, mais en démissionna deux ans plus tard à cause de son caractère timide. C’est à cette cour qu’il compose les deux Sérénades op.11/op.16.

En janvier 1859, il fit représenter le Concerto pour piano n°1 op.15 en ré mineur, qui fut un succès à Hanovre et Hambourg et un fiasco à Leipzig. Ce demi-échec lui fera abandonner la musique symphonique pendant deux années. A la place, il veut se consacrer à l’écriture de lieder et de musique de chambre.

Aussi, il retourne dans sa ville natale et s’occupe d’un chœur féminin de 28 membres, le Hamburgischer Frauenchor ; pour elles, il va écrire les Quatre chœurs de femmes, les Marienlieder et le Psaume XIII. Il restera à Hambourg jusqu’en 1862, et de cette période naissent le Premier Sextuor à cordes, les deux premiers Quatuors avec piano, les Variations sur un thème de Haendel et les deux premiers cahiers de ses Romances de Maguelone. Il sollicite également la direction de la Société Philharmonique de Hambourg mais ce fut son ami le chanteur Stockhausen qui l’obtint. Cet échec le conforte alors dans sa décision de s’installer à Vienne.

Il y est à peine installé qu’une solide réputation s’étend à son sujet, notamment de la part du critique Hanslick : à son trentième anniversaire, il est nommé directeur de la Singakademie de Vienne. Cela fut de courte durée et dû donner sa démission étant donné que le public viennois n’appréciait guère sa programmation trop « classique » en faisant figurer des maîtres anciens tels que Eccard, Gabrieli, Isaac, Schütz… En attendant, sa renommée s’étend à toute l’Europe, et ce grâce à Clara Schumann et Joseph Joachim. Brahms compose plus que jamais : le Quintette pour piano, le Deuxième Sextuor à cordes.

      Brahms et son ami Stockhausen

 

Toutefois, il va reprendre dès 1865 son activité de concertiste qui le conduit jusqu’à Presbourg, Budapest, Copenhague et en Suisse, durant deux années (1866-1868). Durant ces tournées, il compose frénétiquement : le Requiem allemand, la Rhapsodie pour alto, chœur d’hommes et orchestre, Rinaldo la cantate pour ténor, chœur et orchestre, et les Liebesliederwalzer (Valses d’amour chantées). Le Requiem fut d’ailleurs dirigé le 10 avril 1868 pour la première fois en la cathédrale de Brême avec un succès considérable.

Alors qu’il espérait encore une fois le poste de la Société Philharmonique de Hambourg et qu’on lui refusa une nouvelle fois, il décida de s’installer définitivement à Vienne et y restera jusqu’à sa mort.

   

Vienne :

 

C’est donc en décembre 1871 que Brahms se fixe définitivement à Vienne et à sa grande surprise, il apprend qu’il est nommé président de la Wiener Gesellschaft der Musikfreunde (Société des amis de la musique de Vienne), succédant ainsi à Herbeck et Anton Rubinstein. Pendant trois années, il fit l’unanimité dans le rang des musiciens et du public, avec toujours ces maîtres de prédilection au programme – il fit surtout entendre les musiques chorales des polyphonistes franco-flamands, des oratorios de Bach, Haendel mais aussi Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert et Schumann. Alors qu’il est en pleine gloire, il donne sa démission en 1875, ayant un grand besoin de liberté pour composer et voyager à sa guise. De plus, les revenus de sa musique étant plus que confortable, il put enfin envisager l’avenir avec sérénité.

Durant ces trois années, il composa notamment les lieder op.59/63, les deux premiers Quatuors à cordes et surtout les Variations sur un thème de Haydn, sa première œuvre véritablement symphonique – même si son Concerto pour piano n°1 avait davantage été conçu comme une symphonie qu’une œuvre concertante.

L’année 1876 est une année importante : outre une tournée triomphale qui le conduit en Hollande, il présente son Troisième Quatuor à cordes et répond enfin aux attentes des Schumann en écrivant sa Première Symphonie ; une gestation de quinze années fut nécessaire. A son âge, Brahms s’est confronté désormais à tous les genres musicaux, hormis l’opéra, ce dont il rêve mais sans parvenir à trouver le bon livret – ce ne sont pourtant pas les propositions d’écrivains reconnus qui manquèrent, comme Tourguéniev.

 

                                 caricatures de Brahms

 

Brahms règle sa vie comme un métronome : il réside à Vienne durant l’hiver, et dans des lieux propices à son inspiration les mois d’été. Aussi, les dernières années de la décennie 1870 naissent des chefs-d’œuvres : la Deuxième Symphonie, le Concerto pour violon, le Deuxième Concerto pour violon, la Première Sonate pour piano et violon, l’Ouverture pour un Festival académique et l’Ouverture tragique.

La décennie suivante s’écoule dans les mêmes conditions, succédant les voyages, les compositions, les honneurs. Parmi la nouvelle moisson musicale : le Premier Quintette à cordes, le Deuxième Trio avec piano, les Lieder op.96/97, les deux dernières Symphonies, la Deuxième Sonate pour violon, la Deuxième Sonate pour violoncelle, le Troisième Trio avec piano, le Double Concerto pour violon et violoncelle, les Zigeunerlieder (chants tziganes) pour chœur à quatre voix et piano.

Vers la fin des années 1890, son activité compositionnelle se réduit, Brahms estimant que son œuvre est terminée. A partir du Deuxième Quintette, ses compositions changent de style : elles se font plus sombres, plus intimes avec une harmonie plus moderne. Parmi elles, des œuvres pour clarinette, suite à sa rencontre avec le clarinettiste Meiningen (le Trio pour clarinette, violoncelle et piano, 1891 ; le Quintette avec clarinette, 1891 ; les deux Sonates pour clarinette, 1894).

A partir de 1892, les deuils de ses amis se firent de plus en plus nombreux, et Brahms fait de la mort sa compagne presque quotidienne. C’est au piano qu’il confie ses impressions, avec la composition de quatre recueils op.116/117/118/119 puis au chant (Vier ernste Gesänge – quatre chants sérieux) et l’orgue ; c’est un dernier hommage à Bach et à la musique pure qu’il rend avec les onze Préludes de chorals pour orgue.

Brahms est fragile, sa santé décline. Atteint d’un cancer du foie, il s’éteint le 3 avril 1897. Il repose à Vienne, sa ville d’adoption, aux côtés de Beethoven et Schubert.

   

L’univers musical Brahmsien :

Brahms est considéré comme le dernier compositeur de tradition classique à la manière de Beethoven, Haydn, Mozart ou Bach. Pourtant, sa musique relève d’une réelle modernité – Schoenberg écrira d’ailleurs un article intitulé « Brahms le progressiste » - même s’il n’a jamais voulu se considérer comme un compositeur moderne. En cela, il s’oppose à la musique de l’avenir de Liszt et Wagner car il ne conçoit pas que les anciennes formes passées soient épuisée, d’où son attirance pour les maîtres anciens tels que Bach mais également les polyphonistes de la Renaissance ou les origines du lied allemand. Ce goût s’explique peut-être par son père qui avait été formé à la musique par une institution dont les origines remontaient au Moyen-Age.

Si l’influence de ces maîtres est primordiale dans ces œuvres, celle de Beethoven ne l’est pas moins, mais davantage dans son caractère : par exemple, il détruisit la plupart de ses œuvres de jeunesse car pour lui elles n’étaient pas dignes de survivre, ou il attendit la quarantaine passée pour faire connaître ses quatuors à cordes et symphonies.

Brahms utilise les citations musicales. D’elles, il en tire un sens de l’ordre et de l’architecture qui se mêle de manière extraordinaire à une invention linéaire et rythmique novatrices et révolutionnaires. Ses superpositions et oblitérations rythmiques, annihilant parfois la barre de mesure, ont sûrement ouvert la voie à la modulation rythmique cher à Elliott Carter.

Autre caractéristique : sa polyphonie dense et linéaire, ses relations motiviques riches mais ayant toujours le sens de la direction, ou sa palette orchestrale qui fit de lui l’héritier de Bach et Haydn. Toutefois, c’est dans l’intimité du piano, de la musique de chambre et du lied qu’il trouve sa plus belle expression. Les musiques tziganes l’attirent également et il arrive à établir un mélange des plus élaborés entre musique savante et musique populaire (Danses hongroises).

 

Si comme d’autres musiques postérieures (Mahler, Alban Berg), Brahms évoque un héritage lointain, elle évoque aussi la sensation d’être né plus tard. Cependant, malgré cela, il ne fut jamais à la recherche d’un idéal. Brahms n’avait que trois désirs : occuper une place importante à Hambourg, fonder une famille et écrire un opéra. Ils ne se réalisèrent jamais. A la place, il marque de son empreinte l’histoire de la musique et influença en grande partie la musique du futur XX° siècle. 


                                                                                                                                                                                                   

 

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