Hector Berlioz (1803 - 1869)
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« Ma vie est un roman qui m’intéresse beaucoup ». Berlioz
est un compositeur passionné, un visionnaire, un peu mégalomane, en proie aux
enthousiasmes et aux dépressions, jamais en accord avec son temps. Sa
personnalité artistique fut surtout une découverte des générations ultérieurestant sa musique dépasse les visions de ses contemporains romantiques.
Ilsouhaitait que la musique possède une véritable mise en scène, dans des espaces
immenses avec un public gigantesque. Toute sa vie, il coucha sur le papier des
idées que son époque ne pouvait réaliser que difficilement. Ses
expérimentations font de lui le créateur de l’orchestre moderne et il est
certain que les compositeurs du XIX° siècle.
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Une vocation :
Hector Berlioz est né le 11 décembre 1803 à La Côte-Saint-André, dans
une famille aisée et cultivée. A l’âge de six ans, il est inscrit au petit
séminaire de la Côte-Saint-André, mais l’établissement fermant ses portes en
1811 sur ordre de l’empereur, il tente l’expérience de l’enseignement
collectif. Après quoi, son père – Louis Berlioz exerçant la profession de
médecin – devient son unique percepteur. Outre les matières essentielles, il
initie son fils à la musique (solfège, flûte, guitare) sans lui enseigner les
rouages du piano redoutant le pouvoir de l’instrument sur l’enfant. C’est donc
à son père qu’Hector doit sa culture humaniste, son goût pour Virgile et que
dès ses treize ans il commence à noircir du papier à musique. Bachelier en
1821, il quitte le Dauphiné à la fin de l’été pour s’établir à Paris afin de
suivre la volonté parentale et débuter ses études de médecine.
Quelques romances et un pot-pourri pour six instruments, telle est
l’étendue de la production musicale du jeune étudiant lorsqu’il arrive à Paris.
Lui qui n’a jamais mis les pieds dans une salle de spectacle se rue à l’Opéra
et découvre l’opéra et l’art lyrique.
« Ayant appris que la
bibliothèque du Conservatoire, avec ses innombrables partitions, était ouverte
au public, je ne puis résister au désir d’y aller étudier les œuvres de Gluck,
pour lesquelles j’avais déjà une passion instinctive (…) Une fois admis dans ce
sactuaire, je n’en sortais plus. Ce fut le coup de grâce donné à la médecine
(…) Le jour où, après une anxieuse attente, il me fut enfin permis d’entendre
Iphigénie en Tauride, je jurai, en sortant de l’Opéra que, malgré père, mère,
oncles, tantes, grands-parents et amis, je serai musicien ». (H.
Berlioz « Mémoires »)
Evidemment, Louis Berlioz ne pouvait consentir à une telle idée
soudaine et « répondit par des
raisonnements affectueux, dont la conclusion était que je ne pouvais pas tarder
à sentir la folie de ma détermination et à quitter la poursuite d’une chimère
pour revenir à une carrière honorable et toute tracée (…) Je m’obstinai (…) et
dès ce moment une correspondance régulière s’établit entre nous, de plus en
plus sévère et menaçante du côté de mon père ».
Très vite, il devint l’élève privé de Jean-François Lesueur
(1760-1837), surintendant de la Chapelle royale, membre de l’Institut et
professeur de composition au Conservatoire. En 1823, il fait également son
entrée dans la journalisme, de manière modeste – « Le Corsaire »
quotidien des spectacles, de la littérature, des arts, mœurs et modes » n’est
qu’une feuille de chou – et tapageuse car dès son premier article, il se jette
sur Rossini et l’affuble de critiques.
L’année suivante, il sera bachelier de sciences physiques (1824) puis
fera exécuter en 1825 une Messe
solennelle, en l’église Saint-Roch à Paris. Avec un succès « assez
brillant », Hector amène à sa famille un premier bulletin de victoire, et
cela même avant d’être accepté au Conservatoire pour y parfaire ses études. Il
remania son œuvre en 1827, la présentera une seconde fois puis la détruira (!)
caricature de Berlioz
En 1826 il fait son entrée au Conservatoire de Paris, dirigé par
Cherubini (1760-1842) où il suit l’enseignement de Lesueur et de Reicha pour le
contrepoint, pédagogue éminent, ancien condisciple de Beethoven et élève de Haydn.
Il songe alors très vite à l’Opéra et médite, en collaboration avec Humbert
Ferrand, un drame lyrique en trois actes : Lénor ou le dernier Francs-Juges ; il écrit l’ouverture et
s’en tient là.
Tout au long de ces premières années parisiennes, Berlioz fait
enchainer les découvertes artistiques qui vont lui forger son esthétique
musicale : Weber et le Freischütz
(donné dans une version déformée sous le titre de Robin des bois), Beethoven et ses symphonies, Shaespeare et Goethe
à travers la traduction de Gérard de Nerval pour Faust, Gluck, Spontini, Byron…
Le 1er mars 1827, Berlioz se fait clandestinement engagé
comme choriste au théâtre des Nouveautés, la pension paternelle lui étant
supprimée définitivement – Berlioz avait accumulé des dettes pour l’exécution
de sa Messe solennelle. Même si cette
tâche fut des plus pénicles pour Hector, il poursuit son enseignement, ses travaux
et se présente pour la seconde fois au concours de Rome – la première fois
qu’il se présenta, en 1826, il n’était pas encore entré au Conservatoire – et
fut admis en loge, mais sa cantate Orphée
fut déclarée inexécutable. L’année suivante, il obtiendra un second Prix pour
sa cantate Herminie, et le
rétablissement de sa passion, son père étant rassuré par ce demi-succès.
Les premiers mois de 1829 se partagent entre la composition des Huit scènes de Faust, esquisse de la
future Damnation, et diverses folies
envers Mis Harriet Smithson, une actrice irlandaise dont il est tombé amoureux
après une représentation d’Hamlet de
Shakespeare. Le 3 mars, il reçoit la partition imprimée à ses frais et en
envoie un exemplaire à Goethe, qui rejette l’œuvre. Au cours de cette année, il
donne un concert de ses propres œuvres (l’Ouverture
de Waverley, celle des Francs-Juges,
le Concert des sylphes et le Resurrecit de la Messe) obtenant un franc succès et fait paraître un recueil de Mélodies Irlandaises sur des vers de
Thomas Moore. Avec ce recueil, Berlioz s’affirme comme le créateur du lied
français, suivant de près l’exemple de Schubert.
1830 est une année charnière. L’année de la fameuse « bataille
Hernani », Berlioz reçoit enfin le Grand Prix de Rome, à l’unanimité, pour
sa cantate Sardanapale. Lorsqu’il
sort de l’épreuve éclate à Paris la Révolution de Juillet ; il se hate
alors d’orchestrer la Marseillaise.
Ensuite, il se lance corps et âme dans la préparation du premier grand concert
de ses œuvres durant lequel il souhaite faire entendre une « immense composition instrimentale d’un genre
nouveau au moyen de laquelle je tacherai d’impressionner fortement mon
auditoire ».
Gustave Doré, caricature de Berlioz (1850)
Le 5 décembre 1830, dans la salle du Conservatoire, le jeune lauréat
donne la première exécution de la Symphonie
Fantastique « Epise de la vie d’un artiste ». Les réactions parmi
ses contemporains furent diversifiées : Mendelssohn n’apprécia pas la démesure alors que Liszt, présent à
la création y applaudit des deux mains. Avec cette œuvre, Berlioz entre dans
l’histoire.
L’artiste :
L’une des exigences du Prix de Rome est d’aller résider pendant trois
ans à la Villa Médicis à Rome. Berlioz supporte mal cette obligation, d’autant
plus qu’il vit un épisode amoureux tagique. En juin 1830, il s’était enfui – à
Vincennes – avec Camille Mocke. La mère de cette dernière qui n’appréciait
guère Berlioz consentit néanmoins, à la suite de cet épisode, à l’accepter pour
gendre et fixe le mariage deux année splus tard. Après des adieux déchirants,
Berlioz partit pour la Villa Médicis, mais sitôt son voyage entamé, Camille
épousa un riche industriel facteur de piano, M. Pleyel. Sur cet événemet,
Belioz est efofndré et concocte un des
épisodes les plus rocambolesques de sa vie.
« Je me présentai chez mes
amis…, je me faisais annoncer comme la femme de chambre de Mme la comtesse M…,
chargée d’un message important et pressé ; on m’introduisait au salon, je
remettais une lettre, et, pendant qu’on s’occupait à lire, tirant de mon sein
mes deux pistolets doubles, je cassais la tête au numéro un, au numéro deux, je
saisissais par les cheveux le numéro trois, je me faisais reconnaître, malgré
ses cris je lui adressais un troisième compliment ; après quoi, avant que
ce concert de voix et d’instruments n’eut attiré des curieux, je me lâchais sur
la tempe droit le quatrième argument irrésistible et, si le pistolet venait à
rater (cela s’est vu), je me hâtais d’avoir recours à mes flacons. »
Berlioz n’aime pas Rome. Il y fit cependant des rencontres
chaleureuses abordant Glinka et se faisant de Mendelssohn un ami. Il passe également beaucoup de temps à voyager,
à Naples, dans les Abruzzes et aime écouter les musiques des rues. Mais il ne
compose que trop peu : une Ouverture
du Roi Lear, écrite à Nice, quelques fragments du Mélologue, qui deviendra Lélio
ou le retour à la vie, une ouverture
de Rob Roy, qu’il détruira tellement elle semble médiocre.
Il ne reste qu’un an en Italie, parvenant à abréger son séjour à
condition de résider un an en Allemagne ; bien entendu il ne s’y rendra
pas et s’attire du coup des difficultés financières car sa passion romaine ne
lui est plus versée. De ses souvenirs italiens naîtra Harold en Italie (1834) et l’Ouverture
du Carnaval Romain (1844).
Berlioz, caricature d'Etienne Carjat (1858)
Berlioz est de retour à Paris le 7 novembre 1832 et trouve à loger
dans l’ancien appartement d’Harriet Smithson. A peine rentré, il souhaite
donner un concert de rentrée afin de se dédommager de deux années de silence.
Pour cela, il lui faut une œuvre à scandale : ce sera le Mélologue, le second volet de la Symphonie Fantastique, écrit pour
récitant, deux solistes, chœurs et orchestre. Cette œuvre était aussi une
déclaration d’amour à l’actrice shakespearienne dont il est amoureux depuis
tant d’années. Harriet Smithson s’unira à Berlioz le 3 octobre 1833 et leur
mariage sera célébré comme un véritable événement parisien.
Quelques semaines plus tard, Berlioz donnera un autre concert de ses
œuvres où seront présents Alfred de Vigny, Victor Hugo, Emile Deschamps, Eugène
Sue… Berlioz est devenu rapidement l’homme à la mode dans les milieux littéraires.
Musset, Chopin, Liszt, Dumas, George
Sand fréquentent régulièrement le couple, installé dans une petite maison de
campagne de Montmartre. C’est donc à la campagne que Berlioz conçut la première
idée d’un opéra inspiré des Mémoires de
Benvenuto Cellini (1834).
A la fin de cette année 1834, Berlioz fait un nouveau pas dans le
journalisme en devenant chroniqueur occasionnel au Journal des débats.
Intransigeant, polémiste, Berlioz, avec une verve éblouissante devient un grand
écrivain musical. IL en laissera lui-même des traces, rassemblant l’ensemble de
ses écrits dans les Soirées de
l’orchestre (1852), les Grotesques de
la musique (1859), A travers chants
(1862). A cela s’ajoutent ses Mémoires
(1865), le Voyage musical en Allemagne et
en Italie (1844), sans compter une riche Correspondance qui est source de renseignements sur l’homme, sa
musique et son temps.
Fin 1834 également, la création de Harold en Italie sur une commande
de Paganini désirant une œuvre pour alto solo et orchestre. Le virtuose ne
jouera jamais cette œuvre et heureusement son succès n’en tiendra pas rigueur.
Les trois années 1835-1836-1837 sont surtout marquées par des
difficultés financières. Il termine la composition de Benvenuto Cellini en 1836 et début de l’année suivante se voit
confier une commande officielle : la composition d’un Requiem à la mémoire du maréchal Mortier, victime de l’attentat de
Fieschi contre Louis Philippe en 1835. Berlioz, ce non-croyant, écrit la
seconde de ses œuvres religieuses et commence à mesurer les possibilités offertes
par la musique religieuse. Le Requiem
fut crée en l’église de Saint-Louis-des-Invalides en décembre 1837, et eut un
succès retentissant. Berlioz restera très attaché à cet opus : « Si j’étais menacé de voir brûler mon
œuvre entière moins une partition, c’est pour la Messe des morts que je
demanderais grâce ».
1838 et Berlioz enchaina les critiques musicales et se bat pour faire
représenter son opéra, Benvenuto Cellini.
Il fut représenté en septembre 1838 et n’obtient pas le succès escompté. Loin
de là, il fut un échec magistral. Le public qui ne s’enthousiasmait que pour Halévy
ou Meyerbeer, ne pouvait comprendre la problématique berliozienne en matière
d’opéra.
Succès et voyages :
Berlioz est effondré après l’échec retentissant de Benvenuto, il se trouve dans une
situation financière désastreuse et tombe malade. Il sollicite un poste de
professeur d’harmonie au Conservatoire mais ne l’obtient pas. A ce moment,
Paganini lui fait un don d’argent considérable et Berlioz peut de nouveau se
consacrer à la composition. De plus, il est bientôt nommé conservateur adjoint
à la bibliothèque du Conservatoire, ce qui lui assure un salaire fixe pour un
travail peu exigeant.
Grâce à la donation de Paganini, Berlioz peut envisager une autre
œuvre de grande envergure. Ce sera sa troisième symphonie, Roméo et Juliette pour chœur, soli et orchestre, avec un prologue
en récitatif d’après la tragédie de Shakespeare.
Cette symphonie marque une étape importante dans sa conception car
elle s’éloigne radicalement du cadre classique, déterminée par un programme
littéraire et comportant des parties vocales. Elle fut écrite de janvier à
septembre 1839 et crée le 24 novembre.
Aussitôt l’œuvre achevée, Berlioz reçoit une commande du ministre de
l’Intérieur pour célébrer le dixième anniversaire de la Révolution de Juillet
1830. Ce sera la Symphonie funèbre et
triomphale pour grande harmonie militaire. Destinée à être jouée en plein
air, elle laissera le souvenir d’une œuvre inaudible, bien que Wagner l’estime
« grande de la première à la
dernière note ». Mais Berlioz est une nouvelle fois blessé dans son
orgueil de compositeur. De plus, sa situation financière n’est pas au beau fixe,
tout comme son ménage avec Hariet. Il a besoin de passer les frontières, ses
œuvres étant déjà interprétées en Allemagne et en Russie. Hariet n’accepte pas
ce projet et Berlioz décide alors de fuir et s’embarque pour Bruxelles avec unenouvelle compagne, la cantatrice Marie Recio.
Berlioz, caricature lors d'un concert (1846)
Durant les années suivantes (1842-1846), Berlioz est sans cesse en
tournée, cherchant un public pour ses œuvres. Il est accueilli en Allemagne, à
Leipzig où Mendelssohn met à sa
disposition son orchestre du Gewandhaus, à Dresde où il retrouve un Wagner
admirateur. A la fin 1844, il fait de nouveau escale à Paris et se trouver
engagé dans l’organisation d’un gigantesque Festival pour clôturer l’Exposition
de l’Industrie.
En même temps parait son premier ouvrage théorique : Traité d’instrumentation et d’orchestration
modernes.
En août 1845, Berlioz repart en Allemagne où le journal des débats l’envoie
à Bonn lors de la fête organisée en hommage à Beethoven. Dans cette atmosphère,
Berlioz va subir l’inspiration goethéenne. Il reviendra en France avec son
grand projet faustien, la Damnation de
Faust. Après Bonn, Berlioz se rend en Autriche, retrouve Liszt à Vienne, en
Hongrie, en Bohème et en Silésie.
C’est durant ces voyages que Berlioz écrit la Damnation qu’il achèvera à son retour à Paris. Dédiée à Liszt,
l’œuvre fut créée à l’Opéra-Comique à la charge de Berlioz. Mais l’œuvre donnée
deux fois (6 et 12 décembre 1846) tombe à plat ; elle ne se relèvera que
trente ans plus tard sous l’impulsion d’Eduard Colonne. « Rien dans ma carrière artistique ne m’a plus
profondément blessé que cette indifférence inattendue ».
« J’étais ruiné ; je
devais une somme considérable que je n’avais pas. J’entrevis le moyen de sortir
de l’embarras par un voyage en Russie ». Sur le conseil de Balzac,
Berlioz part pour la Russie le 14 février 1847.
Loin de la France :
Le voyage en Russie fut une épreuve difficile quant à l’inconfort du
voyage mais une opération très fructueuse sur le plan financier ; en cela
ce voyage établit une victoire morale à Berlioz. Après Moscou, il se retrouve
en Allemagne où il a obtenu le soutien du roi de Prusse pour y donner une
représentation de Faust à l’Opéra de
Berlin. En revenant à Paris, il dut faire à de nombreuses déceptions ; les
directeurs de l’Opéra. Duponchel et Roqueplan, ne tirent pas leurs promesses
quant à lui octroyer la charge de chef d’orchestre.
Alors Berlioz, devant ce désenchantement, signa un engagement pour
Londres pour conduire une série de concerts. Il partit seul cette fois,
laissant Henriette et Marie Recio.
1848 : la révolution éclate à Paris ; Louis-Philippe chassé
par son peuple, laissait le champ libre à la République. En juillet, Berlioz
était de retour à Paris, accueilli de près par de tristes nouvelles : le
14 Henriette est frappée d’une attaque et de paralysie, le 28 il apprend le
décès de son père.
L’abattement de Berlioz devant ces tristes réalités ne lui enlève pas
sa combativité. Il conserve son poste de bibliothécaire, continue d’écrire pour
la Gazette musicale et le Journal des débats et entame ses mémoires. La vie
musicale reprend peu à peu son cours et après le succès de Louis Napoléon
Bonaparte, il s’attaque au début de l’année 1849 à un Te Deum dans l’espoir de la placer un jour dans une cérémonie de
couronnement. Ce Te Deum, l’œuvre la
plus monumentale des œuvres religieuses, ne sera exécuté qu’en 1855 lors de
l’Exposition Universelle.
Pour lutter contre la pauvreté musicale ambiante, Berlioz ne montre
une fois de plus en avance sur son temps en créant la Société Philharmonique,
une association de concerts affranchie de la tutelle de l’Etat (1850). Berlioz
peut enfin faire entendre sa musique, ouvrir de nouveaux horizons. Mais, suite
à des dissensions internes, la Société est dissoute en décembre 1851.
Félix Nadar, portrait charge de Berlioz (1854)
De cette époque datent les esquisses de sa prochaine œuvre religieuse,
l’Enfance du Christ ; écriture
qu’il échelonnera que quatre années par blocs de musique indépendants. En 1851,
il pose de nouveau sa candidature à l’Institut, sans succès – il s’était déjà
proposé au décès de Cherubini puis cette année à celui de Spontini. Il ne sera
élu au siège qu’un 1856. Berlioz est de plus en plus en proie à la
solitude : Harriet est décédée en 1854, et son fils Louis s’est embarqué
comme marin. Aussi, il régularise sa situation avec Marie Recio et l’épouse
quelques semaines avant la création de l’Enfance
du Christ.
Cette nouvelle partition fut acclamée à Hanovre, Weimar, Bruxelles…
(janvier 1855). C’est à Weimar que Berlioz envisagea de revenir vers l’Opéra.
Depuis longtemps, il songeait à un livret à partie de l’Enéide et dont il écrirait lui-même le poème. Durant deux ans, il
va travailler à son opéra. Les Troyens
sont une vaste entreprise, achevés en 1858. L’ouvrage ne sera toutefois
représenté qu’en 1863, au Théâtre Lyrique dans une version tronquée, l’Opéra
lui ayant préféré Bellini, Rossini et surtout Wagner.
partition des Troyens
En 1861, il trouve néanmoins le courage de s’essayer à un nouveau
genre, l’opéra-comique avec Béatrice et
Bénédict, inspiré de Beaucoup de
bruit pour rien de Shakespeare. L’ouvrage sera crée à Baden-Baden en 1862.
Il ne sera jamais représenté en France du vivant de Berlioz.
Les dernières années sont les plus difficiles : son épouse Marie
Recio meurt subitement (1863) et son fils Louis est emporté tragiquement par
les fièvres. Berlioz est anéanti. A soixante ans, Berlioz arrête enfin sa
carrière au Journal des débats, se retrouve promu officier de la Légion
d’honneur et entreprend l’édition de ses Mémoires.
Comme créateur, Berlioz est considéré comme mort, comme public, il
s’éloigne de la scène et comme être vivant il tombe malade. Désormais, sa
musique cheminait seule, l’acclamait dans toute l’Europe. Aussi, il voua ses
dernières forces à réhabiliter la musique de Gluck, aidé par le jeune
Saint-Saëns. Les derniers mois de sa vie, Berlioz les passe à voyager : la
Russie (Saint-Pétersbourg et Moscou), Nice, Monte-Carlo où il fait une
congestion cérébrale. De retour à Paris, il sait qu’il va mourir. Les trois premiers
mois de 1869, il ne quitte plus son lit où la mort l’envahit peu à peu. Il rend
son dernier soupir le 8 mars 1869.
Berlioz était un révolutionnaire, un grand créateur. Dévoré par son
œuvre, il demeura toute sa vie un compositeur excessif, mal compris,
désaccordé. Ce n’est qu’après sa mort que l’importance de sa musique fut
révélée aux nouvelles générations, qui en saisirent toute la nouveauté et toute
l’ampleur.
« Sur les sommets où Bach
et Beethoven déjà résident, le troisième grand B va trouer sa consécration…
Qu’on me permette donc de sonner une petite fanfare pour mon compositeur
moderne favori, pour le fier et audacieux héros Hector, pour le musicien aux
multiples voix et l’écrivain aux multiples aspects, Berlioz, qui est aussi l’un
des plus grands humoristes de notre XIX° siècle… Trois acclamations donc :
Bach, Beethoven, Berlioz. » (Peter Cornelius)