Amadeo :
Mozart au clavecin et Thomas Linley au violon, 1770
Pour ce voyage en Italie, Wolfgang part seul avec son père, les conditions
financières de la famille ne permettaient plus de se déplacer tous ensemble. Si
l’Italie fut choisie, c’est qu’elle est la patrie de l’opéra et que seul ce
genre assure la gloire et la fortune, tant recherchées par Léopold.
Sitôt arrivés en terre italienne, ils reçurent un accueil enthousiaste
et se lièrent d’amitié avec Locatelli. C’est à Vérone qu’une gazette utilisera le
prénom d’Amadeus (traduction de Gottlieb) pour évoquer Wolfgang.
A Milan, il sera engagé pour écrire les arias d’un opéra, à Bologne il
a rencontré et travaille avec le Padre Martini, contrapuntiste de renommée
inégalable ayant formé de nombreux élèves dont Jean-Chrétien Bach, qui aura une
profonde amitié et estime pour Mozart et à Rome ou relate son exploit célèbre
d’avoir transcrit de mémoire le Miserere d’Allegri au retour d’un office à la
Sixtine. Le Pape également va glorifier le jeune compositeur en lui remettant
une distinction de chevalier de l’Eperon d’Or et le mettant alors sur un pied
d’égalité avec Gluck, lui aussi titulaire de ce mérite ; Mozart ne se
vantera jamais de ce titre.
En septembre 1770, il reçoit le livret de l’opéra commandé à
Milan : Mitridate, Ré Di Ponto. Il sera représenté le 26 décembre 1770 en
présence de nombreuses personnalités musicales. C’est un succès, la critique
est favorable et l’ouvrage sera donné encore une vingtaine de fois. A la fin du
mois de janvier 1771, avant de s’engager pour le voyage de retour, Wolfgang est
de nouveau pressenti par Milan pour un nouvel opéra, pour la saison 1772-1773.
Ils sont de retour le 28 mars 1771 à Salzbourg, avec quinze mois de retard.
Mozart possède alors un carnet de commande bien rempli : un opéra, un
oratorio (pour Mantoue) et une sérénade théâtrale commandée par Marie-Thérèse
elle-même pour un mariage princier.
Mozart fait de la composition son pain quotidien et enchaine les
symphonies, les Sonates d’église, de la musique religieuses… Il retourne
bientôt en Italie pour honorer sa commande d’opéra et revient à nouveau avec un
autre projet, Lucio Silla (1772). La première eut lieu le 26 décembre 1772 et
fut couronnée de succès. Néanmoins, les mentalités italiennes évoluent au sujet
de Mozart et désormais il n’est plus considéré comme un prodige mais un simple
compositeur. Lucio Silla est la dernière commande théâtre venue d’Italie. Léopold
et Wolfgang quittent Milan en mars 1773 et déjà est venu le temps de la
désillusion.
Mozart à Naples
Mozart a dix-sept ans et la moitié de sa vie ou presque est derrière
lui. Toute son enfance, il a vécu libre, dans un monde sans frontières. De 1773
à 1777, il se retrouve d’un coup prisonnier de Salzbourg, n’en sortant que le
temps de deux courts voyages à Vienne et Munich.
Depuis 1769, il officie à la Cour en tant que Konzertmeister et
ressent la frustration de ne pas créer pour se plier aux obligations, aux
formes musicales imposées et s’abstenir de ses goûts et désirs. Très vite, il
va réagir contre cette servitude l’empêchant de délivrer sa musique.
Août et septembre 1773, Wolfgang se trouve à Vienne et côtoie une vie
culturelle intense. A son retour, une fièvre créatrice va s’emparer de
lui : Thamos, le premier Quintette à cordes (K.174), le premier Concerto
pour piano (K.175), trois symphonies (K.200-183-201). Ces œuvres sont capitales
car elles font preuve de la maturité de
Mozart dans son langage musical, usant davantage d’audaces et de modernisme.
1774 et Mozart se plie toujours à sa vie de musicien-domestique. A
l’automne, il se réjoui d’une nouvelle commande de l’électeur de Bavière,
Maximilien III pour un opéra-bouffe : la Finta Giardiniera, sur un livret
de Calzabigi (librettiste de l’Alceste et du Paride ed Elena de Gluck). C’est à
cette occasion qu’il se rend à Munich, où l’accueil lui est très chaleureux. La
première aura lieu le 13 janvier 1775. Mozart se sent chez lui et approfondit
son aversion pour Salzbourg, cultivée déjà depuis plusieurs années. Toutefois,
beaucoup ne s’émerveillent plus devant Mozart. Il est très doué et l’ensemble
ne peut contester ce fait mais l’exhibition de son père commence à se retourner
contre lui.
Moins d’un moins après son retour, l’archiduc Maximilien-Franz – frère de
Marie-Antoinette, futur électeur de Cologne et futur patron de Beethoven – lui
commande une « sérénade dramatique » : Il Re Pastore, sur un
livret de Métastase (1751) et mis en musique par de nombreux musiciens, dont
Gluck ou Piccini.
Parallèlement, Amadeus écrira son premier Concerto pour violon K.207.
Quatre autres concertos pour violon seront écrits d’ici décembre 1775, une
manière pour lui de s’affirmer personnellement tout en obéissant à ses
obligations professionnelles.
Mozart a vingt ans. Il ne quitte plus Salzbourg et sait désormais
quelle vie triste et monotone l’attend. Aussi tente-t-il de se faire accepter
du milieu aristocratique de Salzbourg, dans lequel il ne fait que de brèves
incursions. Il composera beaucoup : un Concerto pour trois pianos K.242,
un Concerto pour piano K.246, un Divertimento K.247, la Sérénade Haffner K.250
et beaucoup d’autres entre janvier et août. De septembre à décembre 1776, il se
concentrera davantage sur la musique religieuse.
Début janvier 1777 passe à Salzbourg Mlle Jeunehomme, l’une des
virtuoses du piano les plus en vue Mozart lui dédie l’une des plus émouvantes
pages pour piano avec un Concerto en mib K.271.
De début d’année est décisif : Wolfgang doit quitter Salzbourg et
démissionne de son poste de Konzertmeister. Il est enfin libre, et souhaite
s’élancer à la conquête du monde. Pour cela, il programme un itinéraire bien
précis : Munich où il se sait apprécier, Augsbourg, Mannheim et enfin
Paris.