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La musique instrumentale :  

 

          Au cours du XVII° siècle, la musique instrumentale voit son histoire liée à celle de la musique vocale. En Italie, en France ou en Allemagne, on ne distingue pas encore la spécificité de la musique écrite pour les instruments, car l’écriture des « voix » instrumentales est similaire à celle des « voix » vocales. Toutefois, à la fin du XVI° siècle, une écriture spécifique tend à se dégager, grâce à l’instrument prédominant de cette époque, le luth.

L’Italie, comme toujours, domine la première partie du baroque avec ses sonates, concerti et toccate. Puis, la France de Louis XIV innovera avec ses ouvertures à la française et ses suites de danses, qui deviendront la marque française par excellence.

La musique pour clavier :

          Le luth, instrument polyphonique amène les musiciens et théoriciens à la prise de conscience de la notion d’accord, qui conduira à celle de l’harmonie. A partir de ces changements, plusieurs instruments sont en mesure de s’opposer, tout en proposant des effets de dialogues et d’écho. Les chefs-d’œuvre de cette musique sont les pièces d’Andrea et de Giovanni Gabrieli, les Sacrae Symphoniae (1597), les Canzone et les Sonate (1615). Le contraste et le dialogue de cette musique vont donner naissance en peu de temps au concerto.

Toutefois, le luth va très vite se faire supplanter par le clavier, orgue ou clavecin. G. Gabrieli pratique le ricercare – une pièce de structure assez libre, imitée du motet vocal possédant une écriture contrapuntique en imitation et se composant généralement de plusieurs épisodes – et lui donne sa forme définitive.

Mais, c’est à Rome que Girolamo Frescobaldi (1583-1643) écrit des œuvres majeures de la musique italienne pour clavier du XVII° siècle. Ses fantaisies, ricercari et toccata – une des formes instrumentales en écriture contrapuntique les moins construites – marquent le sommet d’un style. Alors que son art du contrepoint constituera déjà la fugue, Frescobaldi justifie également son génie à travers la variation, notamment dans es Caprici. Il sera reconnu comme un maître dans l’Europe entière, surtout en Allemagne par le biais de son élève, Froberger (1616-1667) qui répandit sa pensée dans toute l’Allemagne du Sud. J.S. Bach recopiera surtout ses Fiori musicali en 1714 et rendra hommage au maître italien dans bon nombre de ses pièces pour orgue.

A sa suite, Rossi et Pasquini (1637-1710) perdureront à Rome la tradition frescobaldienne ; mais c’est ce dernier qui ajoute à l’héritage des sonates pour un ou deux claviers, et des ensembles de danses. Quant à l’école napolitaine, elle brillera par les œuvres de Trabaci et Durante qui relèvent d’une extraordinaire virtuosité, tout comme en témoignent les fameuses toccate d’A. Scarlatti.

 

         Une importante école d’orgue se développe au Nord de l’Allemagne, avec Scheidt (1587-1654) et Scheidemann (1596-1663), qui se réclament avant tout du calviniste d’Amsterdam, Sweelinck (1562-1621). La sévérité du style, l’absence d’ornements extérieures et la pratique de la variation sur des chorals luthériens constituent les éléments distinctifs de cette école, dont Dietrich Buxtehude (1637 ? – 1707) est le plus grand représentant.

 

                               Orgue de Stade (Allemagne), tenu par Vincent Lübeck

 

L’Allemagne du Sud puisent ses influences chez les compositeurs vénitiens, français et particulièrement Frescobaldi, à travers Froberger, J.H. Schein (1586-1630), J. Pachelbel (1653-1706) et le claveciniste Johann Kuhnau (1660-1722) qui introduit la sonate de clavecin en Allemagne, en particulier dans ses Sonates bibliques (1700). L’influence de Froberger est non loin d’être négligeable, étant le créateur de la Suite pour clavier – il modèle sa suite en quatre mouvements, sous l’influence française, allemande, courante, sarabande, et gigue ; tous écrits dans la même tonalité.

En Angleterre, la tradition musicale de W. Byrd, O. Gibbons et J. Bull se prolonge au XVII° siècle avec Locke (v. 1630-1677) et surtout H. Purcell qui met à profit du clavier des influences de mélodies écossaises, irlandaises ou galloises.

La France ne reste pas en marge de ces évolutions avec une école très vivace sous la direction de Titelouze à l’orgue et Chambonnières au clavecin. Sa particularité est de s’adonner aux deux instruments, publiant à la fois des pièces d’orgue réservées au culte et des « suites » de danses. Louis Couperin, Lebègue, Marchand, Clérambault ou Dandrieu affirment une polyphonie précise, caractérisée par la surenchère des ornements et des tendances descriptives.

 

         Dorénavant, tous ces styles et spécificités nationales vont se trouver mêlées chez les cinq plus grands claviéristes de l’époque. Tout d’abord François Couperin en France (1668-1733) qui après avoir écrit un ouvrage didactique l’Art de toucher le clavecin (1716), laisse quatre livres de pièces pour clavecin, groupées en « ordre » (1713-1730), avec des suites de danses profondément descriptives (« les langueurs tendres », « les folies françaises »). Son cadet, Rameau (1683-1764), organiste et théoricien, ne publiera jamais de pièces pour l’instrument d’église, et se contente de trois Livres pour clavecin (1706-1728). Sa musique, brillante, répond alors aux critères français de l’époque, avec des pièces de caractère (tout comme celles de Couperin) dans lesquelles il dégage tout son talent dans la virtuosité (« les Cyclopes »), l’audace harmonique (« l’Enharmonique »), et une invention musicale inégalable.

D. Scarlatti (1685-1757), claveciniste de la cour de Lisbonne puis à Rome, laisse quelques 555 sonates en un seul mouvement. La majeure partie de ces sonates sont en deux parties et à deux voix, et tirent leurs influences de toccatas, canzone ou capriccio italien, multipliant la virtuosité et les effets sonores. Ces œuvres sont une ébauche de la forme en plusieurs mouvements de la sonate future.

Haendel quant à lui fait beaucoup plus : il multiple son art dans l’improvisation et le réemploi, car il aime beaucoup s’emprunter, et mêle dans ses œuvres les danses à la françaises, les préludes et fugues à l’allemande, les arias chantants et l’aspect concertant à l’italienne (Suite pour clavecin, 1720).

Toutefois, ces œuvres elles-mêmes paraissent une ébauche en comparaison de celles écrites par J.S. Bach. Lui aussi aime fusionner tous ces styles européens, qu’il s’agisse du Clavier bien tempéré, des Variations Goldberg ou de l’Art de la fugue. De son œuvre pour orgue, la postérité retient les Préludes et fugues, les chorals luthériens et surtout l’Orgelbüchlein.

 

La sonate et le style concertant :

          Dans le domaine de la musique de chambre, on relève dans les divers genres et instruments un goût national très prononcé. L’Angleterre des Lawes et Gibbons, la France des Louis Couperin, Marin Marais et l’Allemagne rivalisent dans les prouesses techniques dans les pièces pour viole avant de succomber à la famille des violons. Instrument jugé criard et juste bon à faire danser, le violon est né à Crémone et Brescia au XVI° siècle, et émerge réellement dans l’Italie du début du XVII° siècle.

         La sonate en trio est l’un des principaux genres de la musique de chambre baroque. Elle est écrite pour trois voix mais se joue en fait à quatre : deux dessus (violons, flûte, hautbois ou viole) et une basse à laquelle se joint un instrument harmonique (clavecin ou orgue) appelé communément basse continue. La sonate en trio est issue de la canzone, de la sonate et de la sinfonia, et les œuvres de Cima (Sonata a tre, 1610), Marini (Affetti musicali) ou Negri (Affetti amorosi) attestent de la popularité de ce nouveau genre.

Toutefois, c’est avec les Sonate a due violoni e violone de Legrenzi (1655) que débute véritablement ce nouveau genre, et grâce à Bononcini que se distingue deux types de sonates : la sonata da chiesa (sonate d’église) en quatre mouvements (lent-vif-lent-vif) qui utilise l’orgue pour la basse continue, et la sonata da camera (sonate de chambre) en plusieurs mouvements tous droits issus des suites de danse.

Arcangelo Corelli (1653-1713) porte la sonate à trois à sa perfection avec ses quatre recueils publiés de 1681 à 1694, et influence l’Europe entière jusqu’en 1760 environ. Il adoptera également la sonate de soliste avec ses 12 sonates op.5 (1700) dans lesquelles le violon prend tout son essor.

Parmi les compositeurs de sonates, retenons Vitali, Albinoni, Locatelli (Capriccii op.3) et surtout A. Vivaldi qui innove par ses nouvelles techniques de jeu, son style enjoué et concertant.

 

         En Allemagne, la musique pour violon ne reste pas en marge, car les Allemands, très virtuoses, se plaisent dans la pratique de maints artifices techniques. Après les œuvres de Rosenmüller ou Schmelzer, Biber (1644-1704) ose les difficultés et montre toute l’étendue des capacités polyphonique du violon en tant que soliste, notamment dans les Sonates du rosaire de Marie (1675) qui traduisent figures, images et passions.

Si Haendel laisse de belles pages dans ses sonates pour flûte, hautbois, J.S. Bach se surpasse également dans ces genre avec six Sonates et partitas pour violon solo et des sonates pour flûte, toutes accompagnées d’une clavecin obligé.

 

         En France, le violon fait son apparition grâce à l’italien Lully, qui lui-même violoniste, devient le fondateur d’une longue lignée dans le domaine orchestral. Influencée au XVII° siècle par la suite et les pièces à caractères des clavecinistes, la littérature pour violon prendra son essor sous l’impulsion de Couperin (les Nations, Apothéoses de Lully et de Corelli). Si « le concert » - au sens de « se concerter » est typiquement français, la sonate se trouve très influencée par le modèle vivaldien. A témoin les pièces de Mondonville, Aubert (Sonates pour deux violons sans basse continue) et Jean-Marie Leclair (1687-1764) qui laisse une production avoisinant cinquante sonates.

 

Le concerto et la musique pour orchestre :

          Dès la seconde moitié du XVII° siècle, le concerto devient le genre instrumental baroque par excellence. Dans les canzoni, sonate, sinfoni… on remarque une certaine alternance entre tous les instruments (tutti, ripieno) et des groupes solistes (soli, concertino). Cette opposition, ce contraste est inauguré dans le genre du concerto grosso avec A. Stradella dans des œuvres intitulées Sinfonie.

La désignation de concerto grosso est employée la première fois en 1698 par L. Gregori. Giuseppe Torelli (1658-1709) publie l’année de sa mort le premier livre de Concerti grossi. Mais, c’est Corelli qui donne au genre sa forme définitive à travers un recueil posthume (1714). Comme ses sonates, ses concertos peuvent être da chiesa (en quatre mouvements ou davantage) ou da camera (toujours en suite de danses), et servent de modèles jusqu’en XVIII° siècle (Torelli, Albinoni, Geminiani, Marcello) ; Haendel (12 concerti grossi op.12, 1739) et Telemann (6 concerti op.3, 1733) laissent également des opus de concertos, tout comme Bach avec ses six Concertos Brandebourgeois (1721).

Si dans toutes ces œuvres le violon tend à s’émanciper, sa libération en tant que soliste dans le genre du concerto s’effectue avec Torelli et Marcello qui lancent le fameux concerto de soliste, de forme tripartite (vif-lent-vif).

Vivaldi développe cette nouvelle forme avec talent en composant plusieurs centaines de concertos pour violon, violoncelle, hautbois, basson, flûte, mandoline… Son écriture se veut virtuose et transparente, avec des figurations typiques pour chaque instrument, un vrai matériau thématique, et des éléments issus de l’aria d’opéra (dont le lamento pour le mouvement lent).

L’estro armonico op.3 (publié en 1712), la Stravaganza op.4 ou les Quatre saisons (issus de l’op.8) comptent pour des œuvres inégalables et dont les émules seront très nombreux (Bonporti, Locatelli, Pergolèse, Tartini).

 

           Les français eux n’adhèrent pas tout de suite au genre du concerto ; ils préfèrent extraire les musiques de ballet empruntées aux tragédies lyriques et opéra-ballet, sous le nom de suites symphoniques. Lully, Campra, Rameau, DeLalande ou Mouret en constituent le principal apport. Seulement au milieu du XVIII° siècle, des compositeurs comme Dauvergne (Concerts de simphonies) et Boismortier (Sonates pour les violons) penchent pour le style italien. Il fallut jouer des concertos de Vivaldi pour que ces musiciens abordent le genre, dont Leclair triomphera.

 

         En Angleterre, Haendel jongle avec toutes ces nouvelles formes : Water Music (1717), Music for the Royal Fireworks pour ensemble à vents et bien sûr des Concerti grossi op.3 et op.6, écrits dans le style de Corelli. Les mouvements de ces œuvres peuvent être fugués, improvisés ou empruntés à la forme ritournelle.

 

Toutefois, fidèle à sa réputation, Bach magnifie les genres pour la plus grande gloire germanique, en composant des concertos pour un, deux, trois et même quatre clavecins, deux concertos pour violon et le fameux Concerto pour deux violons en ré mineur (BWV 1043) et surtout en pratiquant l’art de la transcription à travers les œuvres de Vivaldi. Ses œuvres sont toutes empreintes d’un riche tissu contrapuntique et se complaisent dans la fugue, le canon et la variation.

                                                                                                                                                                               

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