Luigi Nono (1924 - 1990)
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Nono est un compositeur contemporain, italien, qui a sut
renouer avec la tradition musicale de Venise, celle des Gabrieli, des
théoriciens et des madrigalistes de la Renaissance. Influencé par Schoenberg,
Dallapiccola, Malipiero, Maderna et Hermann Scherchen, son sérialisme le situe
en marge de l'Ecole de Darmstadt. Réinventant sans cesse son langage, il se
tourne dans les dernières années vers la musique électronique en direct ou
aléatoire et s'intéresse particulièrement aux propriétés du son en tant que
tel.
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Né à Venise le 29 janvier 1924, Luigi Nono porte le prénom du grand-père paternel, un peintre représentant important de l'école vénitienne du XIXe siècle. C'est en 1941 que Nono
rencontre Gian Francesco Malipiero et suit ses cours de composition au conservatoire de Venise. Parallèlement, il entame des études de droit à l'université de Padoue. En 1946, ses études de droit achevées, Nono fait la connaissance à Rome des compositeurs Luigi Dallapiccola et Bruno Maderna. Deux ans plus tard, il assiste avec Maderna aux cours de direction d'orchestre donnés à Venise par Hermann Scherchen.
De 1950 à 1960, Nono participe à l’Internationale Ferienkurse für Neue Musik (Université d'été internationale pour la nouvelle musique) à Darmstadt, qui lui permet de rencontrer notamment Edgar Varèse ou Karlheinz Stockhausen. De cette époque datent Variazioni canoniche sulla serie dell’op. 41 di Arnold Schoenberg (sa première oeuvre), Polifonica - Monodia - Ritmica, Composizione per orchestra n° 1, Epitaffio per Federico García Lorca n° 1 et España en el corazón.
En 1952, il se rend à Paris en compagnie de Scherchen. Il rencontre Pierre Boulez et fréquente le studio de Pierre Schaeffer. La même année et en 1953, avec Maderna et Sotckhausen il suit le cours de musique électronique
de Werner Meyer-Eppler à Bonn.
Il compose à cette occasion Epitaffio per Federico García Lorca n° 2 : Y su sangre ya viene cantando.
Deux ans plus tard, en 1954, il séjourne à Turin et fait la connaissance de Giulio Einaudi, Massimo Mila, Giulio Bollati et Italo Calvino. Il assiste à Hambourg au Moïses et Aaron de Schoenberg et fait la connaissance de sa fille, Nuria Schoenberg avec laquelle il se marie en 1955.
En 1956, il anime un séminaire sur les nouvelles techniques de composition au Studio Expérimental d'électro-acoustique à Gravesano, fondé par Scherchen en 1954. A Darmstadt, en revanche, il donne un cours de composition avec Maderna. Sa cantate Il canto sospeso (pour soliste, chœur et orchestre, sur des textes de lettres de condamnés à mort
de la résistance européenne) est jouée à Cologne avec succès.
L'année suivante (1957), il donne des conférences sur le technique compositionnelle de Schoenberg et engage un échange avec Sockhausen sur sa manière de mettre les textes en musique. En 1958, il est à Prague et prend part au Festival d'automne de Varsovie.
Helmut Lachenmann devient alors son élève. Datent de cette époque Incontri (1955), Il canto sospeso (1956) et Cori di Didone (1958). En 1959, sa conférence à Darmstadt intitulée Presenza storica nella musica d’oggi (« Présence historique dans la musique d'aujourd'hui ») est violemment controversée et provoque sa rupture avec Stockhausen.
En 1961, une de ses oeuvres et pour le première fois crée en Italie à la Biennale de Venise, Intolleranza 1960 (sur des textes de Henri Alleg, Bertold Brecht, Aimé Césaire, Paul Eluard, J. Fucík, W. Majakovski, A. M. Ripellino, Jean-Paul Sartre).
A partir de 1962 Nono est partout : il voyage en Union Soviétique, continue ses cours à Dartington et enseigne à l'Université d'Helsinki. En 1965 il est aux États-Unis où on joue Intolleranza 1960 à Boston. En 1966 il se lie avec Giovanni Pirelli et travaille avec le «Living Theatre» à Milan. Il est également
élu membre de l'«Akademie der Künste» de Berlin Est. En 1967 il voyage avec son épouse et ses deux filles en Amérique du Sud et y donne des cours. En 1968, il prend part aux manifestations contre la Biennale de Venise et effectue un second voyage en Amérique du Sud. En 1971, avec Claudio Abbado, Maurizio Pollini et Luigi Pestalozza il jette les bases d'un nouveau festival de musique, «Musica / Realtà» à Reggio Emilia.
L'année suivante, il crée Al gran sole carico d'amore au théâtre de la Taganka à Moscou. En 1979 il édite la revue Laboratorio Musica. En décembre 1980, il commence à travailler au studio expérimental de l'Institut Heinrich Strobel de la Südwetfunk à Freiburg. En 1983 il rencontre Marta et György Kurtág
à Budapest. Les dernières années, il est invité à Berlin, voyage en Union Soviétique et au Japon. En 1988 il est professeur invité à la «Hochschule der Künste» à Berlin mais délaisse ce poste pour des raison d'organisation. En 1989 il voyage à Moscou, Leningrade, Budapest. Du 15 au 30 juillet, il prend part au festival du Centre Acanthes à Avignon qui lui est dédié. Il reçoit l'année
suivante le «Berliner Kunstpreis». Luigi Nono s'éteint après toute cette frénésie le 8 mai 1990 à Venise.
Son esthétique musicale :
La musique d'avant-garde proposée par Luigi Nono est l'expression d'une révolte contre la culture bourgeoise, concrétisée par son engagement communiste révolutionnaire. Il a fréquemment recours aux textes politiques dans ses œuvres, qui sont souvent ouvertement politiques. Ainsi, Il canto sospeso s'élabore sur les lettres de victimes de l'oppression
durant la Seconde Guerre mondiale et lui vaut une renommée internationale. Cette connotation politique se retrouve également dans La fabbrica illuminata (1964), Ricorda cosa ti hanno fatto ad Auschwitz (1966), Non consumiamo Marx (1969), Ein Gespenst geht um in der Welt (1971), Siamo la gioventù del Vietnam (1973), et le fameux Al gran sole carico d'amore (1975).
Dès 1954, Nono s'intéresse à la musique électronique. Ses premières compositions incluant un travail sur bande magnétique datent du débuts des années 1960, avec Omaggio a Vedova, pour bande magnétique en 1960 et Intolleranza 1960 pour solistes, chœur, chœur sur bande magnétique et orchestre en 1961. Il écrira
plus tard Como una ola di fuerza y luz pour soprano, piano, orchestre et magnétophone (1972), ... sofferte onde serene... pour piano et magnétophone (1976), ou encore Al gran sole carico d'amore.
Après 1980, Nono travaille au Experimentalstudio der Heinrich Strobel-Stiftung des Südwestfunks à Fribourg-en-Brisgau où il se tourne alors résolument vers la musique électronique en direct ou aléatoire. Il s'intéresse particulièrement aux propriétés du son en tant que tel. Cette nouvelle approche se traduit par des œuvres
telles que Quando Stanno Morendeo. Diario polacco n° 2 (1982), Guai ai gelidi mostri (1983), Omaggio a György Kurtág (1983) et avec éclat dans son dernier opéra Prometeo, Tragedia dell'ascolto (1984).