Darmstadt
et l’avant-garde post-webernienne :
Le radicalisme musical établit par les
compositeurs au début du XX° siècle sert de point d’ancrage pour la nouvelle
génération d’après-guerre 1945. En ayant un champ libre pour construire la
musique, les compositeurs prennent pour vérité le stade le plus avancé du
sérialisme viennois établit par Anton Webern. Alors que Schoenberg procédait à
maints aménagements musicaux, le disciple Webern devient culte sur plusieurs
points : refus de toute logique, de structure, abstraction des sons alors considérés comme des points isolés et
instantanés enfermés à l’intérieur du silence, mélodie centrée sur le
pointillisme, sérialisme étendu à tous les paramètres de composition (modes
d’attaques, durées…)
Plus qu’un modèle, Webern symbolise la
nouvelle condition du musicien au sein de la société contemporaine et chaque
compositeur semble alors, dans les années 1945-1950, réagir contre la
commercialisation musicale, le « beau » artistique.
John Cage, Fontana Mix
Après la Seconde Guerre Mondiale, les
musiciens avaient l’impression d’avoir un retard à rattraper. Certes, hormis
Webern, Stravinsky, Bartok, Hindemith sont également devenus des modèles et des
compositeurs comme Milhaud ou Messiaen ont pu créer des styles très personnels
et devenir des professeurs respectés unanimement. Mais l’avant-garde musicale
prônait davantage la nouveauté et peu à peu cette musique nouvelle se vit
exclure des programmes des concerts traditionnels.
Aussi, ils se réunissaient en petit comité.
L’Institut Kranischstein de Darmstadt, fondé par Hindemith et Fortner en 1946
devient le centre d’étude de la nouvelle musicale et surtout du courant
post-webernien. C’est en 1949 que Darmstadt devint important et entra dans
l’Histoire avec la représentation de Mode de valeurs et d’intensités de
Messiaen, l’un des premiers à étendre le sérialisme à tous les paramètres
musicaux en usant d’un système de « modes ». Cette œuvres marque le
début de l’école de Darmstadt, spécialisée dans les expériences sérielles, dont
la naissance d’effectue avec Polyphonie X de Boulez, Kreuzspiel de Stockhausen
et Polifonica-Monodia-Ritmica de Nono. Tout en prônant l’avant-gardisme sériel
post-webernien, ces trois œuvres permettent déjà de faire un état des lieux
embryonnaire sur les développements musicaux ultérieurs : Boulez
organisera les sons, Stockhausen poussera au structuralisme empirique et Nono
s’éloignera un peu du sérialisme pour concevoir la composition comme un « dessin
global ».
Mirò, le Marteau sans maître
En 1955, le Marteau sans Maître de Boulez
montre une atténuation de la rigueur formelle afin d’élargir ses champs
d’exploration vers le timbre et l’harmonie. C’est toutefois dans les années
1956/1957 que l’école de Darmstadt va s’établir un tournant. Boulez décide
d’affronter sérieusement le problème de la structure dans la 3ème
Sonate pour piano et penche pour l’alto et l’indétermination, principe qui fera
beaucoup d’écho chez les compositeurs de Darmstadt ; Zyklus et Refrain de
Stockhausen, Mobile de Pousseur. C’est ainsi que progressivement, les
compositeurs passent de « l’hyperdéterminisme » structurel à une
œuvre ouverte privilégiant l’aléatoire. Ainsi convergent deux courants :
le sérialisme post-webernien et la musique aléatoire, dirigée par le
« hasard » de John Cage. Cela aboutit directement à la redécouverte
de l’improvisation et à la mise en valeur du geste de l’interprète, mettant fin
par la même occasion à l’école post-webernienne. Certes, elle continuera son
enseignement mais arrête ici son avant-garde musicale.
A l’aube des années 1960, les compositeurs
de l’école de Darmstadt se placent désormais dans des positions et conceptions
personnelles n’ayant que très peu de points communs entre elles. Il est donc
préférable d’étudier les compositeurs dans des biographies séparées afin de
juger des innovations de Boulez, Stockhausen ou Nono.