L’enfance, les années d’apprentissage :
Frédéric Chopin (1829)
Fryderyk Chopin est né le 1 er mars 1810 à Zélazowa-Wola, en Pologne près de Varsovie, d’une mère polonaise et d’un père français, précepteur des enfants de la comtesse Louise Skarbek. La même année, toute la famille s’installe à Varsovie, où Nicolas Chopin est appelé
pour enseigner le français au lycée.
Très
vite, le jeune Fryderyk (Frédéric) aime s’installer sous le piano lorsque sa mère joue, et improviser de petits airs.
Devant ses dons, ses parents le confient à Wojciech Zywny, un violoniste et pianiste tchèque féru de musique allemande (Bach, Haydn,
Mozart) qui le dirige vers l’étude du piano et de la composition. A peine un an après ses premières leçons,
Frédéric alors âgé de sept ans écrit les Polonaises en sol mineur et en si bémol majeur ; ces deux pièces furent directement composées au piano et retranscrites par son père.
Le piano devient alors pour Chopin un moyen d’expression. L’année suivante, il se produit en concert et gagne le statut d’enfant prodige en interprétant le Concerto pour piano en sol
mineur d’Adalbert
Gyrowetz. En jouant également chez les princes de son pays, il est même comparé à Mozart.
Bientôt prirent fin les leçons avec Zywny pour laisser place à Würfel et Elsner. Chopin découvre au même instant la musique populaire locale, qui deviendra la source même de son inspiration musical, particulièrement
quand il aura quitté la Pologne. Après avoir suivi ses
études dans le lycée de son père, il passe au Conservatoire et y termine sa formation en 1829 avec la mention « capacités exceptionnelles ; génie musical ».
Durant ces années d’apprentissage, Chopin ne cesse de composer. Tout en explorant la
palette instrumentale du piano, il écrit de nouvelles pièces telles les Variations en mi majeur (1824), une Polonaise en sol dièse mineur (1825) et aussi le Rondo en ut mineur publié au printemps 1825 à Varsovie auquel est attribué le numéro d’opus 1.
Il s’attelle également à de nouvelles formes, avec la Sonate
en ut mineur op.4, les Variations sur un thème
de Mozart « la ci darem la mano » (1828), un Trio pour piano, violon et violoncelle (1829) et le Krakowiak pour piano et orchestre (1829).
Les voyages :
L’étape
suivante pour Chopin, c’est le voyage ; en Allemagne, en Autriche, en Italie, en France. Une
occasion ne tarde pas à se présenter et il peut sortir de Pologne pour se rendre à Vienne en compagnie de deux amis. Il fera ses débuts au Théâtre Impérial en interprétant ses Variations sur un thème de Mozart, qui lui vaudront la publication de cette œuvre et un triomphe acclamant.
Le voyage se poursuit ensuite à Prague puis Dresde, pendant lequel Chopin décide de reprendre
la composition.
Il souhaite mettre en œuvre un cycle d’exercices destiné à mettre en valeur toutes les possibilités techniques de son instrument favori. Ce cycle deviendra plus tard ses fameuses Etudes.
A la fin de cette intense année 1829, Frédéric, de retour à Varsovie, met la touche finale à son Concerto pour piano en fa majeur – concerto
désigné aujourd’hui comme étant
le second qu’il a écrit puisqu’il fut publié après l’écriture de son deuxième concerto.
Au printemps 1830, alors que Varsovie crie au talent et au génie de Chopin, ce dernier se met en tête d’un nouveau voyage ; il souhaite
en effet découvrir les joies de l’Italie ou de Paris. En
attendant, il compose Valses ou Mazurkas dans lesquelles il use de ses traditions nationales pour en venir à une authentique musique polonaise. Ces pièces, petites et enjouées, contribueront à lui faire un nom dans les salons.
Il écrit également ses premières mélodies, empreintes de cette même musique polonaise, douce
et simple. Quelques Nocturnes, un second Concerto
pour piano, un concert d’adieu et Chopin quitte enfin la Pologne le 2 novembre 1830 pour un nouveau voyage, précipité dans son départ à cause de la situation politique varsovienne.
Il s’installe de nouveau à Vienne, y fait quelques concerts et bien sûr continue la composition : une Grande Polonaise brillante, quelques mazurkas, un
Scherzo en si mineur, des Nocturnes (op.9,
op.15 n°1-2). Son écriture prend une dimension nouvelle. Au contact des œuvres de Beethoven, il ne s’interdit rien dans le but d’émouvoir. Les lignes brisées, les accords abrupts, les notes qualifiées d’ « étranges » font de Chopin ce véritable romantique, privilégiant la sonorité et l’expressivité.
Sa musique est désormais plus dense, plus modulatoire,
plus harmonique
et contrapuntique mais avant tout empreinte d’une sérieuse sensibilité intérieure. C’est dans ce style d’écriture que furent composées ses Etudes (op.10). Chopin les terminera et les publiera à Paris où il arrive à l’automne 1831. Il n’a alors que 21 ans.
Chopin à Paris :
Chopin se sent très vite à l’aise à Paris, il est rapidement adopté et gagne bien sa vie en dispensant des leçons de piano aux jeunes gens de la société. Sa consécration s’établie suite à son premier concert parisien donné en février 1832 en y interprétant
ses Variations sur un thème de Mozart. A Paris,
les rencontres se multiplient (Rossini, Cherubini, Liszt, Hiller ou Mendelssohn) ainsi que les compositions
(Impromptu en ut dièse mineur baptisé Fantaisie-Impromptu après sa mort, Grande Valse brillante, Nocturnes), et les audaces musicales.
Il accumule désormais les dissonances, les modulations non préparées, le chromatisme et surtout il emploie des échelles modales issues du folklore. De plus, en bon disciple de Bach qu’il
est, il produit des émotions pures en étant
convaincu que la musique véhicule les sentiments ; sa Ballade en sol mineur op.23 (1835) s’attache à démontrer cette esthétique. Entre Valses et Mazurkas, l’essentiel de la composition de Chopin va se situer dans un nouveau cahier d’Etudes (op.25) durant les années 1834-1835.
Chopin jouant ses Polonaises lors d’un bal à l’Hôtel Lambert à Paris -
Peinture gouache sur papier de Teofil Kwiatkowski
L’année
1835 est particulièrement riche en émotions. Chopin va rejoindre ses parents en cure à Karlsbad, après cinq ans de séparation. Pour retrouver Paris, il décide de passer par Dresde où il rend visite à la famille Wolzinski, qu’il connaît depuis sa tendre enfance. Il tombe alors amoureux de Maria, la fille cadette des Wolzinski et lui dédie la Valse de l’adieu. Il lui fera sa demande en mariage au cours de l’été 1836.
Avant de regagner Paris, Chopin s’arrête à nouveau, à Leipzig cette fois, rend visite à Mendelssohn qui lui présente Clara et Robert Schumann. Ce dernier est tellement touché par la Ballade que lui interprète Chopin que celui-ci lui en fait cadeau.
En novembre
1835, Chopin tombe malade, à tel point qu’il lui faudra démentir sa propre mort. Dès
lors, la santé du musicien ne cessera de s’aggraver. Toutefois, il sera de retour à Paris à la fin de l’été 1836, et au cours des réceptions données chez Liszt, il fait la connaissance d’une romancière âgée de 32 ans, George Sand.
Sa production musicale est de plus en plus intense et il laisse quelques Mazurkas et Nocturnes,
un deuxième Scherzo, une
Variation sur un thème de Bellini et deux mélodies. Pourtant, un événement inattendu va se produire : l’annulation de son mariage avec Maria par la famille Wolzinski ; ceux-ci préfèrent en effet un prétendant en bonne santé et menant une vie mondaine moins intense.
Georges
Sand :
George Sand et Chopin , par Delacroix
Lorsque Frédéric Chopin rencontre Georges Sand durant l’hiver 1836-1837, sa première impression se révèle négative. Mais quand il la croise quelques temps plus tard, son antipathie cède le pas à la fascination, et dès lors tous deux vont entretenir une liaison qui durera près
de neuf années
(1838-1847). Durant ces années, Chopin aura les plus belles inspirations musicales en passant cette partie de sa vie à Majorque
et surtout à Nohant, le lieu de résidence d’été de George Sand.
Il se produit maintenant au concert de moins en moins souvent, mais chacune de ses apparitions est un véritable succès.
En ces années heureuses, Frédéric
met un terme à ses Préludes op.28 (1839), tout droit influencés des Préludes
et Fugues de J.S. Bach ; il respecte en effet l’ordre normal de la gamme suivi de son relatif mineur. Cette œuvre pourrait faire figure d’autoportrait musical, Chopin y exploitant l’ensemble de son langage, maîtrisé, exigeant et parfait. Il est seulement âgé de 29 ans.
En
revanche, si sur le plan professionnel tout marche au mieux – il progresse sur la Ballade en fa majeur et débute l’écriture de Nocturnes, Polonaises, scherzo et ébauche l’esquisse de ce qui semble être une Sonate – son état de santé, lui, ne s’améliore guère et alterne des phases maladie/rétablissement de plus en plus rapprochées. C’est néanmoins pendant ces phases où il est au plus bas qu’il produit la plus
touchante de sa musique. A témoin, la Ballade en fa majeur (dédiée à Schumann qui vient de l’honorer de ses Kreisleriana), les Polonaises op.40, le Scherzo n°3 en ut dièse mineur op.39, un recueil de Mazurkas op.41, la quatrième Ballade en fa mineur et d’autres pièces dotées d’une immense sensibilité et virtuosité.
Un événement
important dans sa carrière : le 26 avril 1841, Chopin décide de jouer Salle Pleyel. Toute l’élite artistique est présente, de Liszt à Berlioz en passant par Heine et Delacroix. Un véritable succès, même mieux, un triomphe.
Les dernières années :
L’année 1844 va précipiter quelques bouleversements dans cette vie paisible. Tout d’abord, le couple Sand/Chopin se trouve un peu chancelant (cela dès la fin 1843) puis surtout, Chopin apprend le décès de son père survenu le 3 mai 1844. Cette terrible nouvelle l’affecte beaucoup et sa santé ne
cessera de se détériorer,
petit à petit.
La vie reprend néanmoins son cours,
et Chopin continue de partager son lieu de vie entre Paris et Nohant, et cela même si les deux amants s’éloignent toujours l’un de l’autre. Il compose plus que jamais : 1845 est l’année des Nocturnes op.62, des Mazurkas op.63 et de la Barcarolle op.60, tandis que l’année suivante voient le jour la Sonate pour violoncelle et piano et la Polonaise-Fantaisie op.61.
Les prémices
de la séparation avec George Sand sont perceptibles dès la fin 1846, et suite au soutien que Chopin accorde à la fille de Georges, la romancière précipite la rupture en février 1847. Chopin ne composera guère cette année-là, deux Valses en ré bémol majeur et en ut dièse mineur, et un nouveau chant. Il souffre beaucoup, tant physiquement que moralement. Ses amis le convainquent alors de donner un concert public le
16 février 1848 – ce qu’il n’a pas fait depuis six ans. Ce sera son dernier concert parisien.
Quelques jours plus tard, la révolution éclate dans Paris. Chopin continue de donner des leçons dans une atmosphère tendue, mais décide de se rendre en Angleterre en avril 1848 suite aux recommandations de l’une de ses élèves écossaise, Jane
Stirling. Il donne là-bas de nombreux concerts
(Manchester, Glasgow, Edimbourg) mais il est très vite malade. Il rentre à Paris, épuisé, le 24 novembre 1848.
Chopin ne compose presque plus, il passe la majeure partie de son temps alité. Quelques Mazurkas et le Nocturne en
mi mineur op.72 seront ses dernières pièces, bouleversantes
et exprimant toute la souffrance de l’âme. Sa santé se dégrade de plus en plus et on lui diagnostique très vite une phtisie au dernier stade au printemps 1849. Il n’y a plus d’espoir, Chopin l’a bien compris. Aussi, il implore sa sœur de venir à Paris. Il passe avec elle ses dernières semaines.
Le 17 octobre 1849, Chopin est mort. Ses funérailles
ont lieu le 30 octobre à la Madeleine, et l’on
y jouera le Requiem de Mozart, les Préludes en mi mineur et en si mineur op.28 et la Marche Funèbre de sa deuxième Sonate. Toute l’aristocratie est présente, parisienne et polonaise.
Conformément aux dernières volontés de Chopin, sa sœur rentre à Varsovie avec les derniers biens de son frère (manuscrits, effets personnels)
et surtout son cœur. Ce dernier sera placé
dans une urne scellée à l’intérieur d’un pilier de l’Eglise de la Sainte-Croix.
Cette attitude est révélatrice de la dualité française et polonaise de Chopin : inhumé à Paris, au Père-Lachaise, son cœur est retourné à son pays. C’est bien cela : Chopin est véritablement le plus français des polonais.