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L’opéra :

 

         Dans le domaine de l’opéra, la seconde moitié du XVIII° siècle est riche en rebondissements, liés particulièrement à plusieurs querelles en France et réformes en Italie.

           L’opéra seria, considéré comme le grand opéra italien du XVIII° siècle, a reçu l’empreinte de l’école napolitaine : la musique est au cœur de l’œuvre, et bientôt le bel canto devient un idéal. Ses principales caractéristiques se révèlent sur le livret, dont le sujet peut être allégorique, mythologique ou héroïque, le récitatif (qui tient une place de première importance) et les airs (l’aria constitue la partie conclusive de chaque scène et sa progression dramatique est reléguée au second plan). Généralement, l’opéra est précédé d’une ouverture et consiste en une succession de scènes construites plus ou moins de la même façon. Les compositeurs ne vont pas tarder à abandonner l’alternance air-récitatif au profit du récitatif accompagné ou des ensembles. Avant la réforme de Gluck, certains compositeurs cherchent à faire évoluer ce genre, avec des airs qui fonctionnent mieux sur le plan dramatique (Léo) et des traits plus modernes dans les récitatifs (Jommelli).

Malgré ses multiples réformes, l’opéra seria va connaître son déclin à l’époque classique. L’un des principaux compositeurs d’opéra seria est Hasse (1699-1783) puis Jommelli (1714-1774), Gluck (1714-1787), Piccinni (1728-1800) et Mozart.

 

                        Boucher, l'enlèvement d'Europe (1747)

 

          L’origine de l’opéra buffa remonte au succès de la Serva Padrona de Pergolèse (1733). Ce spectacle gai, bourgeois et entraînant se développe surtout à la seconde moitié du siècle, notamment avec Galuppi, Piccinni et culminer avec Mozart. Ce genre excelle également dans les airs et récitatifs mais surtout dans les ensembles et les finales. Il devient plus dramatique au fil du temps et de ce fait, les finales s’allongent ; il peut même arriver qu’il y en ait deux dans un opéra. Tout comme le seria, le buffa possède un certain nombre de conventions, avec des personnages au nombre fixes, des airs dont le nombre est précisé à l’avance, et les voix graves qui ont tendance à dominer (par exemple, il n’y a pas de castrats dans ce type d’œuvre, mais plutôt des basses).

 

          En France, l’opéra-comique n’est représenté que lors des foires et emprunte son sujet à la vie quotidienne. Sedaine (1719-1797), Marmontel (1723-1799) ou Favart (1710-1792) écrivent beaucoup dans ce genre. Il va mêler dialogue parlé et musique, et se compose de chœurs, d’ensembles, de danses et de morceaux instrumentaux de caractères descriptifs. Mais l’une de ses principales caractéristiques est le vaudeville, qui consiste en des chansons connues sur lesquelles se greffent des paroles nouvelles.

A partir de 1760, l’opéra-comique devient plus sérieux, parfois sentimental, aborde les sujets historiques et devient davantage complexe sur le plan musical. Parmi les principaux compositeurs d’opéra-comique, retenons Dauvergne (1713-1797), Duni (1709-1775), ou Philidor (1726-1795).

         

          En Allemagne, l’opéra italien domine et face à l’opéra seria, il ne peut exister un opéra sérieux de langue allemande. En revanche, nombreux sont les compositeurs allemands qui écrivent des opéras de langue italienne.

La particularité allemande de cette moitié du XVIII° siècle est le singspiel. Musicalement, il est le pendant de l’opéra-comique français : dialogue parlé, chansons, ensembles, vaudeville. Dès 1760, c’est un genre devenu à la mode. A Vienne, lorsque l’empereur Joseph II ouvre le Théâtre national (1778), le singspiel va désormais être interprété par des chanteurs d’opéra, relevant ainsi le niveau musical.

Parmi les œuvres essentielles, retenons Haydn (Der Krumme Teufel, 1758), Gluck, Dittersdorff (Doktor und Apotheker, 1786), Mozart, (Bastien et Bastienne, 1768 ; l’Enlèvement au Sérail, 1782 ; la Flûte Enchantée, 1791).

 

       Vienne, opéra d'EtatWiener Staatsoper

                (détuit pendant un bombardement en 1945 et reconstruit presque à l'identique en 1890)

 

La Querelle des Bouffons :

          Cette querelle se déclenche en 1752 suite aux représentations de la Serva Padrona de Pergolèse, et coupe la France en deux, entre les partisans de l’opéra français et les défenseurs de l’opéra italien. Elle concerne aussi bien l’histoire de la musique que l’histoire des idées, et la présence de personnalités dans cette querelle la rend beaucoup plus attrayante.

La France, lassée du sérieux de l’opéra se tournait vers des spectacles divertissants et avec la Serva Padrona se jette dans les péripéties comiques d’une poignée de personnages. Cependant, les partisans du grand opéra, traditionalistes et amis de Rameau, s’opposent à ceux de l’opéra buffa, les intellectuels groupés autour de Rousseau, Grimm et Diderot.

La jeune génération prône alors le naturel qui l’inspire tant, l’expression immédiate du sentiment. Ainsi même, les partisans de la musique française se regroupant dans le « coin du Roi » (aristocratie, Mme de Pompadour…) et ceux de la musique italienne dans le « coin de la Reine » (Rousseau et les Encyclopédistes).

 

          En l’espace de quelques mois, le brasier de la querelle est atteint et plus de trente textes sont publiés par les partisans ; Rousseau s’y met également avec sa fameuse Lettre sur la musique française (1753) qui attaque directement la musique française, et s’en prend personnellement à Rameau. Il dénonce les modulations et ornements nombreux et factices, l’harmonie trop savante, le contrepoint trop élaboré, l’orchestre trop présent, la basse continue difficile…

En fait, Rousseau défend une esthétique de la simplicité, dans laquelle il pourra retrouver l’assouplissement des structures, l’amoindrissement du contrepoint, la périodicité des phrases et la simplicité des textures.

Evidemment, avec ce genre d’arguments, tout le monde eut le loisir de voir s’affronter ces deux théoriciens, Rameau évoquant la nature des choses et Rousseau la nature des hommes. Après tous ces débats, les mentalités ont évolué : désormais, l’esthétique n’est plus affaire de concepts mais de sentiments.

 

          La Querelle des Bouffons s’achève pas la victoire de l’Académie Royale de Musique, institution officielle du grand opéra. Toutefois, le public a une préférence pour le nouvel opéra-comique, et l’avenir de la tragédie lyrique se situe maintenant dans les mains de Gluck qui, par sa Réforme, va lui donner un souffle nouveau.

 

La Réforme de Gluck :

         

                                Christoph Willbald Gluck, statue, Opéra Garnier (Paris)

 

          Cette Réforme touche à la fois la tragédie lyrique française et l’opéra seria italien. C’est à Vienne que Gluck entreprit sa réforme, en collaboration avec de comte G. Durazzo (intendant des théâtres de la cour) et le poète R. De Galzabigi.

Dans ses textes dramatiques, les recherches du poète s’orientent vers une dramaturgie plus proche de la réalité, une structure plus claire. Ses idées se joignent à celles de l’époque sur le retour à l’antiquité et à l’esprit de la camerata florentine.

Aussi, sur le plan du livret, la Réforme s’oriente désormais comme ceci :

 

-          Redéfinition du livret et suppression des éléments secondaires. L’intrigue est simple.

-          La durée de l’œuvre est limitée dans le temps, et se compose maintenant de trois actes.

-          Réduction du nombre de personnages.

 

D’un point de vue musical, par contre :

 

-          La musique entre au service de la poésie

-          Les personnages et situations doivent être caractérisés sur le plan musical

-          Apparition de l’air strophique

-          Le récitatif accompagné devient plus dramatique

-          Le chœur, à l’antique, participe et est lié à l’action

-          Le ballet est intégré à l’action

-          L’ouverture prépare le drame, et n’est plus une « introduction » musicale à part.

 

          Les opéras réformés de Gluck sont Orfeo ed Euridice (1762) et principalement Alceste (1767), dans lequel le compositeur expose ses idées dans un texte capital, et Paride ed Elena (1770). Lors des séjours à Paris, Gluck adapte ses opéras en français (Orphée, 1774 ; Alceste, 1776) et en compose spécialement quatre pour Paris : Iphigénie en Aulide (1774), Armide (1777), Iphigénie en Tauride (1779) et Echo et Narcisse (1779).

 

          Cette Réforme consistant en la recherche du naturel et à un ton plus authentique, va donner lieu en une nouvelle querelle, cette fois entre les gluckistes et les conservateurs regroupés derrière Piccinni. Cette querelle n’a aucun avenir ni d’autre but que de faire ressurgir d’anciennes querelles : en 1776, le clan des italiens obtient l’arrivée de Piccinni à Paris et ne trouve rien de mieux que de faire concourir ce dernier contre Gluck, sur un opéra composé en langue française, Iphigénie en Tauride.

Pour la petite histoire, Gluck termina le premier son opéra en 1779 et obtient un vif succès alors que Piccinni ne dû se contenter que d’un lamentable échec pour l’avoir terminé plus tard.

L’œuvre de Gluck influence grandement le « grand opéra » français jusqu’au début du XIX° siècle. Pour témoins, les œuvres de Sacchini (1730-1786), Salieri (1750-1825) ou Grétry (Richard Cœur de Lion, 1784).

 

                                                                                                                                                                               
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