Embellissement de la liturgie au sein de la monodie :
Tropes
et séquences : une extension de la liturgie
La plupart des chants de l’ordinaire de la messe ont été composé aux XI° et XII° siècles, voire même ultérieurement. Mais la plus grande activité
eut lieu entre le X° siècle et la Renaissance, et aujourd’hui il n’en reste plus grand chose, étant donné que le Concile de Trente souhaitait restaurer la liturgie dans son état « original ».
Les tropes ont pour but de développer les pièces normales
de la liturgie par l’adjonction de paroles, de musique, voire les deux. Cette pratique semble être apparue au IX° siècle (peut-être encore plus tôt) dans les monastères de Saint-Gall (Suisse) et de Saint-Martial (Limoges) et particulièrement dans la messe. Les additions textuelles avaient surtout lieu au tout début de la messe (Introït et Kyrie) ; seul le Credo ne pouvait être tropé en tant que « confession
de foi prescrite ». Leurs fonctions étaient bien souvent d’expliquer ou de compléter la signification du texte officiel, et pouvaient être liés à un jour ou une période particulière du calendrier liturgique.
Il
existe diverses sortes de tropes :
- additions mélismatiques à des chants préexistants
- additions textuelles à des chants préexistants
- additions textuelles et musicales à des chants préexistants
Gloria tropé à deux lignes
Toutefois, il est un genre de trop qui est devenu indépendant sur le plan musical : la séquence. Elle est généralement une addition à Alléluia de la messe, mais devient très vite une pièce indépendante tant sur le plan musical que littéraire. C’est l’une des formes les plus populaires du Moyen-Age.
Comme pour le trope, il existe plusieurs sortes de séquences :
- la séquence primitive : ajout de texte et/ou de musique
- la séquence à texte partiel : ajout de mélismes, texte adapté de façon syllabique à deux ou trois phrases musicales
- la séquence a double
cursus : plusieurs phrases sont répétées comme une unité avec des paroles différentes
- la séquence après le XI° siècle : elles tendent vers une égalité dans les lignes et dans les rimes, glissant davantage vers la poésie au détriment
de la prose.
Ces formes préétablies montrent néanmoins que toutes ces formes liturgiques ne sont pas aussi strictes qu’on pourrait le penser et qu’elles accordent plus de liberté qu’on pourrait le croire. C’est de cette manière qu’une quantité très importante de musique sacrée
a été produite entre le XII° et le XVI° siècle.
Développement de la liturgie :
Si les nouveaux offices étaient de nature liturgique, les pièces ajoutées sont moins identifiables car vers la Renaissance, ces ajouts devaient aussi respecter les goûts individuels des églises ou des princes. Toutefois, ces pièces dont le texte était poétique le plus souvent, se manifestaient davantage dans les offices
que dans les messes qui se montraient réfractaire à toute forme de poésie.
Dès le IX° siècle, l’activité religieuse se mit à croître considérablement (construction d’églises et de cathédrales) et donc en même temps le nombre de fêtes religieuses ajoutées au calendrier (elles honoraient le plus souvent des saints récemment
sanctifiés).
Pour embellir sa liturgie, l’Eglise utilisait de nombreux procédés mais le plus inattendu fut l‘introduction de représentations dramatiques ; c’est ce que l’on nomme le drame liturgique. Il peut se composer de dialogues qui ressemblent davantage à un trope
d’introduction qu’à un jeu dramatique. Les premiers apparaissent au X° siècle, mais uniquement sur le plan dramatique : le jeu de Pâques (X°s) puis le jeu de Noël (XI°s). Peu à peu, de nouveaux épisodes s’ajoutèrent et certains pouvaient même être donnés sous forme de spectacles. Les histoires étaient généralement tirées de périodes de Pâques et de Noël, et de l’Ancien
et du Nouveau Testament.
Toutefois, le passage de simples dialogues à de grandes pièces avec décors et costumes est lié à la création de musiques et textes nouveaux ; musique entièrement monodique avec des lignes mélodiques simples afin de conserver le caractère du plain-chant.
L’une
des collections les plus importantes de drames liturgiques est le Livre de Jeux de Fleury. Autres jeux dont le contenu est unique par sa diversité : le Jeu de Daniel.
A de rares exceptions près, les drames liturgiques étaient tous de langue latine et servaient avant tout d’extension
à l’Eglise, notamment lorsqu’ils étaient représentés avant la messe ou les vêpres. Il semble que leur développement ait stoppé vers le XIII° siècle. Après cette date, ce sont des jeux en langue vulgaire qui ont capté l’attention populaire et par conséquent connus le plus grand développement. Outre la langue, ces derniers se distinguent aussi par leurs dialogues parlés plutôt que chantés, et la présence
d’une grande liberté et de beaucoup d’humour.
L’appellation « drame liturgique » permet également de distinguer les jeux latins reconnus non-officiellement par l’Eglise des miracles ou des mystères en langue vernaculaire.