La monodie, le chant grégorien :
La musique religieuse chrétienne : généralités
L’histoire de la musique occidentale
s’identifie avec l’histoire de la liturgie chrétienne durant le premier millénaire. La religion chrétienne est née de la religion juive ; dès lors il n’est pas étonnant de voir la corrélation entre les deux religions. D’un point de vue musical, les emprunts à la synagogue se situent sur la récitation chantée des lectures bibliques et le chant soliste des psaumes.
Durant les trois premiers siècles, le grec était la langue liturgique de l’Eglise avant que le latin devienne la langue officielle jusqu’au Concile de Vatican II (1962-1965) autorisant l’usage de la langue moderne. Deux types de cérémonies s’étaient développés : la célébration de la dernière Cène (qui est devenue plus tard la messe
occidentale) et les assemblées consacrées au chant des psaumes et à la lecture des Ecritures (que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’offices).
A cette époque, les textes n’étaient pas fixés avec autant de rigidité qu’ils le sont maintenant. Si la messe s’est fait plus stricte, on le doit
d’abord à l’empereur romain Théodose (379-395) qui fit du christianisme la religion d’état puis au passage du grec au latin. Dès lors, les formes individuelles furent fixées : cela concernait l’ordinaire de la messe (c’est-à-dire les prières identiques dans toutes les messes) et le propre (les prières qui changeaient en fonction de la fête ou de l’année liturgique).
La musique aussi doit se conformer à cette rigidité ; l’influence de Grégoire 1 er dit Grégoire le Grand fur prolifique car il voulut avant tout réglementer et uniformiser la musique au sein de la liturgie. Aussi, les textes chantés étaient rassemblés, mais dans des livres séparés : on trouvait l’Antiphonaire (le chant se faisait de manière
antiphonal), le Cantatorium (chant responsorial) et le Graduel que l’on connaît encore actuellement.
La musique a joué un rôle important dans le développement de la messe : le chant en commun a laissé place à des développements virtuoses chantés par des solistes et chœurs professionnels et donc à
des ajouts de textes considérables. Au XII° siècle, la polyphonie a également étayé ces élaborations.
Caractéristiques générales du chant grégorien :
Le chant grégorien se définit comme un répertoire exclusivement vocal et entièrement monodique. Il est noté sur une seule ligne musicale et est chanté sans aucun soutien harmonique ni accompagnement. Au tout début, les notations musicales
n’existaient pas et les mélodies devaient être apprises par cœur.
Le premier procédé musical existant consistait à noter des signes au-dessus du texte. Ces signes, que l’on appelle neumes indiquaient surtout les inflexions vocales et étaient différents selon les régions. Peu à peu, il fallut indiquer la hauteur et la valeur des neumes, ce qui se traduit
par l’utilisation d’une ou deux lignes pour positionner les notes ; c’est ce que l’on appelle la notation diastématique. S’ajoutèrent ensuite les clés d’ut 3 et de fa 2 ; c’est là l’origine de la portée telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Manuscrit de Besançon Manuscrit de Laon
L’invention de la portée à quatre lignes encore utilisée pour la notation du plain-chant, est attribuée à Guido d’Arezzo (vers 1000-1050), un théoricien important du Moyen-Age qui est aussi à l’origine de la solmisation (ut – ré – mi – fa – sol – la). La notation carrée que l’on connaît désormais pour l’écriture du chant grégorien est apparue
dans le Nord de la France.
Tonaire (lettres guidonniennes ; solmisation)
Le système musical s’organise et avec lui apparaît différents modes. Si aujourd’hui on n’use que du mode majeur et mineur, à cette époque, il existait huit modes caractérisés par :
-
leur ambitus, avec une octave dans laquelle se développe la mélodie
- la teneur (ou Dominante), son central autour duquel s’organise la mélodie
- la finale (ou Tonique), note conclusive
Parmi les grandes caractéristiques du chant grégorien, on distingue deux styles : le récitatif (chant d’un texte sur une seule note avec des inflexions ascendantes ou descendantes) et les compositions libres (dont chacune est dotée de sa propre mélodie). Ces dernières peuvent être de style syllabique (une note pour une syllabe), neumatique (une syllabe correspondant à
un neume) ou mélismatique (passages chantés, longs, sur une seule syllabe).
Quant aux formules de récitation, il en va autrement pour les psaumes car ils sont chantés avec des textes ajoutés, des antiennes ou des répons. Aussi, on distingue la psalmodie
directe (les versets de psaumes sont chantés les uns après les autres sans ajout quelconque), la psalmodie antiphonale (le chœur est divisé et chante alternativement les divers versets) et la psalmodie responsoriale ( le psaume est chanté par un soliste suivi d’une réponse du chœur après chaque verset).
Autre particularité, le cantique : ce chant de louange est chanté à la manière d’un psaume, précédé et suivi d’une antienne.
La
musique de la messe et des offices :
L’ordinaire de la messe se divise en plusieurs pièces, que l’on retrouve bien souvent à chaque messe et dont le texte est immuable :
- Kyrie eleison (d’appellation grecque) : l’invocation est souvent répétée neuf fois
- Gloria : chant de louange (n’est pas chanté les jours de la semaine, ni à la messe des morts, ni pendant l’avent et le carême en raison de son texte peu approprié)
- Credo
(n’est pas dit dans les messes de la semaine
- Sanctus (combine des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament)
-
Agnus Dei (chanté par l’assemblée puis par le chœur)
- Ite missa est (formule de renvoi). Peut être remplacé par Benedicamus quand les messes ne comportent pas de Gloria
Les chants du propre de la messe voit ses textes changer tous les jours de la semaine, en fonction du calendrier ecclésiastique. Parmi les chants antiphonaux, il y a :
- Introït : prélude musical chanté avant le service
-
Offertoire
- Communion : le plus ancien des chants antiphonaux de la messe
Parmi les chants responsoriaux, relevons :
- Graduel : chant qui fait suite à la première lecture
- Alléluia : à Pâques et pendant la Pentecôte, le mot est ajouté à la fin de tous les chants (dans les offices et le propre de la messe)
- Trait : remplace Alléluia
pendant les périodes de pré-carême et de carême et certains jours de pénitence.
Graduel sans musique
Ainsi, une messe s’organise de la façon suivante :
Introït – Kyrie – Gloria – Graduel – Alléluia ou Trait – Credo – Offertoire – Sanctus – Agnus Dei – Communion
– Ite missa est (ou Benedicamus)
En dehors de la messe, il existe différents offices au nombre de huit, qui ont lieu à différentes heures de la journée :
- Matines (peu après minuit) : office le plus long et le plus élaboré
- Laudes (à l’aube) : comporte cinq psaumes
- Prime (à six heures)
- Tierce (à neuf heures)
- Sexte (à
midi)
- None (à quinze heures)
-
Vêpres (au début de la soirée) : comporte cinq psaumes
- Complies (avant le coucher) : au nombre de trois psaumes
Dans les offices figurent plusieurs types de mélodies :
- les antiennes : texte chanté
sur une mélodie libre, alterne avec les versets
- les répons prolixes : chant le plus complexe dont les formes internes peuvent être différentes
- les répons brefs : ressemblent davantage à des formules ornées de récitation
- les hymnes : chantés le plus souvent lors des offices diurnes, et ayant une place de premier rang dans la liturgie. Leur particularité est qu’il s’agit du seul genre du plain-chant où texte
et mélodie sont interchangés.