Louis Spohr (1784 - 1859)
|
Violoniste, compositeur et chef d’orchestre, Louis Spohr était
considéré comme l’un des plus grands musiciens romantiques allemands, aux côtés
de Mendelssohn et Weber. De son vivant, il eut un énorme succès qui le fit
presque considéré comme le plus digne représentant de la Trinité viennoise
(Haydn, Mozart, Beethoven). Devenu inaperçu, oublié depuis sa mort, il est
grand temps de redécouvrir l’un des figures musicales majeures du XIX° siècle.
|
Les débuts prometteurs :
Pour celui qui souhaite découvrir Louis Spohr en profondeur, celui-ci
nous a légué à titre posthume une autobiographie très intéressante, en deus
volumes : Selbstbiographie,
1860-1861.
Louis Spohr est né le 5 avril 1784 à Brunswick dans une famille
cultivée : son père, Karl Heinrich était médecin et flûtiste, et sa mère
Ernestine Henke était chanteuse et pianiste amateur. Très vite, Louis fut
imprégné de musique et dès l’âge de cinq ans, commença l’apprentissage du
violon. Il entre dans l’orchestre du duc Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick
puis poursuit ses études avec le virtuose Franz Anton Eck ; il aura
notamment l’occasion de se rendre à Saint-Pétersbourg et y fera la rencontre de
John Field et Clementi.
A partir de 1800, il enrichit solidement sa culture musicale en
adoptant les opéras français, la musique « révolutionnaire » de son
époque, découvrant les grands interprètes tels Viotti, Kreutzer ou Rode. En
1803, il compose enfin sa première œuvre, le Concerto pour violon n°1.
Il entreprend alors une tournée dans toute l’Allemagne, où il obtient
un succès inespéré : « Monsieur
Spohr fait sans aucun doute partie des plus remarquables violonistes de notre
temps, et particulièrement lorsqu’on considère sa jeunesse, ce qu’il réalise
susciterait l’étonnement s’il était possible de passer du ravissement au froid
étonnement (…) Ses concertos comptent parmi les plus beaux qui existent et
aucun ne surpasse celui en ré mineur que ce soit au niveau de l’invention, de
l’âme et du charme, ou au niveau du sérieux et de la profondeur. Il penche avant
tout vers la grandeur et l’exaltation dans une douce mélancolie. »
Suite à ces fructueuses tournées, Spohr accepte la direction de la
chapelle de Gotha (1805-1812) ; il se mariera en 1806 avec la harpiste
Dorette Scheidler, avec laquelle il va souvent se produire en concert. Durant
ces années à Gotha, Spohr compose sa Première
Symphonie op.20 (1811) qui reçut un fabuleux éloge du critique E.T.A.
Hoffmann.
Spohr poursuit son ascension en prenant le poste de chef d’orchestre
du célèbre Theater an der Wien (1813). Il fait alors la connaissance de
Beethoven avec qui il va tisser des liens personnels.
De cette époque datent quatre quatuors à cordes, deux quintettes à cordes op.33, un octuor et
une cantate Das befreite Deutschland.
Mais surtout, il écrivit sa première œuvre scénique, Faust. Composée en 1813, l’œuvre ne fut représentée qu’en 1816,
sous la direction de son ami Carl Maria von Weber, au Städetheater de Prague.
Ayant pour modèle le Don Giovanni de
Mozart, Faust se situe aux côtés des
premiers opéras romantiques allemands de Weber. L’ouvrage ne fut que
moyennement accueilli, le public n’étant pas encore habitué à un opéra écrit
dans la langue germanique.
Louis Spohr, Larguetto du Double Quatuor op.65
Etant donné que Faust avait
été refusé par le Theater an der Wien (1813), Spohr démissionna de son poste.
Il fut peu de temps après nommé Directeur de l’Opéra de Frankfort (1817-1819).
A cette occasion, il montera son Faust,
ainsi que des opéras de Rossini ; l’italianisme qu’il n’apprécie guère
sera pourtant intégré dans ses futures productions vocales, telles Zemire et Azor : « Si peu que j’admire la musique de
Rossini, le succès de Tancrède avait remporté à Frankfort ne fut pas tout à
fait sans influencer le style de mon nouvel opéra… C’est ce qui explique que la
musique de Zemire et Azor ait tant de
coloratures et d’ornements vocaux ».
Maturité et
reconnaissance :
En 1822, sur la recommandation de Weber, Louis Spohr est nommé
Hofkapellmeister à vie, à la cour de l’Electeur de Hesse-Cassel. Sous sa
direction, la vie musicale à Cassel prit un grand essor, particulièrement dans
le domaine de l’opéra. Il dirigea des œuvres de Wagner (le Vaisseau Fantôme, 1843 ; Tannhäuser,
1853) et se spécialise surtout dans l’interprétation de la « musique
ancienne » en donnant des œuvres de Bach (la Passion selon Saint-Matthieu), Leonardo Leo (1694-1744), Gregorio
Allegri (1582-1652) et Antonio Lotti (1660-1740).
Il fit également représenté Jessonda
(1823), considérée comme son chef d’œuvre dramatique. Influencée par Mozart et
Weber, elle fut admirée par beaucoup de musiciens (Wagner, Brahms, Dvorak) et
eut la particularité d’être accompagnée – à sa création – d’un
article-manifeste où Spohr demande à ses confrères de cultiver la forme « durchkomponiert ».
Louis Spohr, Liebesschwarmerei op37n°5
Après la mort de Weber en 1826 et de Beethoven en 1827, Spohr devient
pour ses contemporains le compositeur le plus important. En 1834, il perd son
épouse puis l’une de ses filles en 1838. Même s’il se remarie avec la pianiste
Marianne Pfeiffer (1836), il ralentit sérieusement sa production musicale, trop
affecté par le chagrin.
Peu à peu (1838), il donnera à nouveau naissance à quelques
chef-d’œuvres : lieder, musique de chambre avec piano… Cette même année,
il fera la rencontre de Robert Schumann à Leipzig. En 1844, à l’occasion du
vingt-cinquième anniversaire de son arrivée, il est fait Generalmusikdirector.
Toutefois, au fil des années, ses relations avec la Cour vont se
tendre, Spohr étant un démocrate convaincu : il salut la Révolution de
1848 sur ses manuscrits, discute de ses opinions à l’Assemblée Nationale,
s’engage en faveur du droit des citoyens…
En 1857, en raison de ses nombreux litiges avec la cour, il est mis à
la retraite, contre son gré. A la même époque, une fracture du bras gauche
l’empêche de jouer. Il passera ses dernières années, assombri, recevant
toutefois la visite d’un jeune compositeur, Johannes Brahms. Il meurt le 22
octobre 1859 à Cassel.
Ses œuvres :
Violon de Louis Spohr
Louis Spohr est un compositeur de grande valeur, faisant la transition
entre le classicisme et le romantisme. Proche de Mendelssohn dans le
conservatisme, il procéda également à de nombreuses expérimentations, écrivant
des lieder avec violon ou clarinette, des doubles quatuors, une symphonie pour
deux orchestres et même un concerto pour quatuor à cordes et orchestre. Il
poussa aussi des recherches sur le chromatisme, vivement critiquées par
Schumann ou Beethoven, mais revient toujours à l’inexorable néoclassicisme qui
caractérise son œuvre.
Dans le domaine de la pédagogie, son influence ne fait aucun
doute : il eut de nombreux élèves, dont Ferdinand David ou Johann
Hartmann, publia une méthode de violon, inventa la mentonnière (1819) afin de
répondre aux exigences virtuoses du répertoire et cela même s’il refusait tout
excès de virtuosité dans ses propres œuvres.