L’Ecole
de Vienne et l’expressionnisme allemand :
Si Paris attirait les artistes avec son
esprit, son élégance, ses modes nouvelles, Vienne cultivait un climat culturel
différent dans lequel régnait un irrédentisme national, une forte agitation
sociale, dissimulée sous une apparence frénétique de divertissement. Envers
cette crise, les artistes ne purent qu’envisager une rupture. Celle-ci prit des
teintes angoissées, chargées de souffrances apocalyptiques, rejetant le passé
glorieux pour une profonde décadence qui ne pouvait qu’aboutir à une complète
refonte du système.
C’est ainsi que naît l’Expressionnisme, un
mouvement de prime abord essentiellement pictural et qui gagna les autres arts
par le renoncement aux critères conventionnels du beau pour établir un
« Moi » aux figures anguleuses. Il n’a pas de programme
expressionniste en musique. Il s’agit plutôt de relever quelques traits dans la
production musicale des années 1910/1920 : exacerbation de tous les
éléments musicaux, intervalles distendus et « expressifs », registres
exploités dans les extrémités de l’échelle sonore, contrastes brutaux, tension
constante… une musique dite Atonale.
Parmi les œuvres les plus
représentatives : les Stigmatisés de Schreker, Salomé de Strauss,
Prométhée de Scriabine, Meurtres, espoirs de femmes de Hindemith et bien sûr
les œuvres de Schoenberg, l’un des seuls compositeurs à œuvrer totalement dans
ce sens : Erwartung (1909), Die Glückliche Hand (1913), le Pierrot Lunaire
(1921)…
Schoenberg se révèle être le véritable chef
de file de la musique atonale à partir de 1909 et très vite se regroupent autour
de lui des compositeurs désirant aller dans la même direction. De tous ses
disciples, l’histoire de retient que Berg et Webern, formant avec leur mentor
l’Ecole de Vienne.
Mais très vite, cet univers atonal leur
devient insuffisant et tous trois à leur manière vont influencer la musique du
futur – la nôtre encore aujourd’hui – en organisant leur pensée musicale autour
du dodécaphonisme (système de musique à douze sons) puis du sérialisme dans les
années 1920.
Schoenberg, le Regard rouge (1910)
L’expressionnisme est un mouvement essentiellement
concentré, musicalement, à Vienne autour de Schoenberg. Une autre ville en
Allemagne est, elle, en train de devenir un véritable bouillon culturel :
Berlin. En organisant de fréquentes expositions picturales pour les artistes du
Blaue Reiter et expressionnistes, Berlin devient le centre culturel, laissant
Vienne au second plan.
De nombreux musiciens vont évoluer dans ce
nouveau centre : Hindemith, qui lui aussi va réagir contre le système
tonal en multipliant les expériences atonale, modale, polytonale jusqu’au
chromatisme élargi. Mais surtout, il défendait la musique comme produit de
consommation, la Gebrauchsmusik.
1933 : Hitler arrive au pouvoir. C’est
un choc pour l’avant-garde musicale allemande qui perd alors ses plus vifs
représentants : Schoenberg, Berg, Webern, Hindemith, Weill… furent frappés
d’épuration par l’Allemagne nazie qui rejetait cette musique pour son caractère
critique et corrosif. Ne restèrent en Allemagne et en Autriche que des
compositeurs conservateurs (Pfitzner, Richard Strauss) ou ceux, partisans de
leurs idéaux musicaux (Carl Orff).