Histoire de la flûte traversière en Europe
La musique n’a pas d’âge…
La flûte est l’un des plus anciens instruments de musique. On trouve,
dès l’ère paléolithique, de nombreuses traces de flûtes en os, percées ou non
de trous. Parmi les plus anciennes que l’on ait découvertes, celles d’Isturitz
(Pyrénées, 20 000 ans environ av. J.-C.). Mais récemment, des archéologues ont mis à jour une série de
morceaux de flûte en os et en ivoire appartenant à plusieurs instruments. Datés de 35000 ans par le carbone 14, ils
sont les plus anciens instruments de musique retrouvés à ce jour. Le morceau de
flûte le mieux conservé a une longueur de21,8 cm et un diamètre de 8 mm. Il
comporte cinq trous et a été taillé dans un os de vautour fauve.
On retrouve surtout la flûte à l’Antiquité, en Chine notamment où elle
semble apparaître vers 2700 avant J.C. puis en Egypte et en Grèce.
La flûte au Moyen-Age :
Toutefois, l'évolution la plus importante dans l'histoire de la flûte
moderne commence au Moyen Âge. Vers le XIIe siècle, les flûtes traversières et
les flûtes à bec nous arrivent d’Orient. La flûte traversière, appelée flûte
allemande, vient surtout des terres allemandes et est appelée ainsi pour la distinguer des autres formes de flûtes
comme la flûte à bec.
Le premier témoignage iconographique en Europe figure dans l’Hortus deliciarum de l’abbesse Herrade
de Landsberg (Seconde moitié du XII° siècle).
Au Moyen Age, la flûte traversière est utilisée couramment. On la
trouve aussi bien dans les cours que dans les cercles de la bourgeoisie. Très
souvent, elle est combinée au tambourin. Alors que la famille des flûtes à bec
s’est développée jusqu’à 8 instruments de tailles différentes, on ne connaît
que peu de formes variées parmi les flûtes traversières (deux ou trois).
La flûte traversière à la Renaissance :
A la Renaissance, les flûtes traversière prolifèrent. Les premiers grands luthiers proposent
désormais un éventail de plus en plus vaste: trois membres de la famille des
flûtes traversières plus le fifre. L'on trouve aussi des familles de flageolets
et de flûtes en quatre et huit pieds (en quatre pieds, c’est-à-dire sonnant à
l’octave aiguë de la flûte ordinaire). A cette époque, la sonorité de la flûte
est pleine, douce, et se marie admirablement avec la plupart des instruments de
l’époque.
Les premières indications concernant la technique de la flûte
traversière y compris les indications pour octavier et celles concernant
l’embouchure, sont données par Ph. Jambe de fer. Mais les méthodes détaillées
sont assez rares comparées au nombre de celles qui se rapportent à la flûte à
bec. Nous trouvons également les publications d’Attaingnant (1533), destinées
aux flûtes, qui sont aujourd’hui le seul exemple de musique instrumentée pour
les flûtes de cette époque qui nous soit parvenu.
La flûte à l’époque baroque :
Flûte
Hottetterre
Il faut attendre le début du
XVIII° siècle pour que la flûte traversière se voit assigner une fonction
propre. Les premières transformations majeures apportées à la flûte traversière
sont dues à la famille française Hotteterre. Jacques Martin Hotteterre coupe la
flûte en 3 morceaux : la tête (avec l'embouchure), le corps qui comporte la
plupart des trous et la patte (qui conserve quelques trous). La flûte actuelle
est encore divisée en trois parties.
Hotteterre ajoute également la
clef de ré dièse, étend la tessiture de la flûte et modifie la forme du tube
afin de donner une meilleure sonorité à la flûte. Il rend ainsi cet instrument
très populaire, au détriment de la flûte à bec.
Toutes ces flûtes possèdent une sonorité plus colorée grâce à l’emploi
des fourches et permettent une grande agilité. Ces instruments subissent de
minimes transformations sous Naust ou Thomas Lot et se répandent dans l’Europe
entière grâce à des virtuoses français comme Michel Blavet ou Pierre-Gabriel
Buffardin. Ainsi de nombreux compositeurs écrivent abondamment pour elle, en
particulier Telemann, Haendel, Vivaldi et Bach – pour ne citer que les plus
représentatifs.
La flûte à l’époque classique :
Flûte
Quantz
Le hautboïste Quantz étudie la flûte avec P.G. Buffartin avant de
rejoindre Berlin où il l’enseignera au roi Frédéric le Grand et pour lequel il
compose 300 concertos sur mesure. Il développe également ses propres modèles de
flûtes : la sonorité est plus puissante, le diapason est plus élevé et il
s’oriente vers l’ovalisation de l’embouchure. La flûte traversière gagne ainsi
en vélocité et en brillance.
Les premières flûtes à clés (quatre, six ou huis clés) apparaissent
tout d’abord en Angleterre puis en Allemagne. La flûte est ainsi plus adaptée à
l’orchestre. Pourtant, c’est pour une flûte à une seule clé qu’écriront des
compositeurs comme Mozart et Devienne.
La flûte moderne : romantisme et modernisme…
Il faut attendre 1815 pour que les flûtes à clés soient plus
répandues. Les différences nationales s’affirment également dans ce
domaine : la flûte française est plus fine que la flûte anglaise, plus
robuste, plus timbrée et surtout plus puissante. Les flûtes viennoises se
révèlent les plus complexes avec un clétage pouvant aller jusqu’au Sol grave et
une embouchure carrée. Ce modèle viennois sera s’ailleurs repris par les
facteurs italiens ; c’est ce type d’instrument que l’on entend dans
Schubert, Mercadante et chez les frères Doppler.
Flûte Boehm 1831
Flûte Boehm 1832
Flûte Boehm 1847
Toute ces innovations portent Theobald Boehm comme le créateur de la
flûte moderne. Toute sa musique est composée pour une flûte à huit clés. Il se
consacre progressivement, au fil des années, à la facture proprement dite. Le
premier système Boehm nait en 1832, le second en 1847 qui conduit à notre flûte
« actuelle ». Cette flûte « canon » selon l‘expression de
Richard Wagner mit plusieurs années à s’imposer. La flûte traversière possédait
désormais une sonorité redoutable, un doigté plus simple et léger. Les français
adoptent très vite la flûte en argent, développée par Godfroy et Louis Lot
(1855) ; il suffit d’écouter la Romance
de Saint-Saëns et le Prélude à l’après-midi
d’un faune de Debussy. Au fur et à masure, cette flûte en argent de Lot
s’impose au monde entier. Il y a de ça, 80 ans seulement… Louis Lot fabriqua de
nombreuses flûtes qui suscitèrent un engouement faramineux, telle la célèbre
flûte en or fabriquée en 1869 pour Jean Remusat et qui partit pour la Chine
lointaine. Miraculeusement, on retrouve cet instrument dans les mains de Jean-Pierre
Rampal en 1948.
Flûte Lot
en or ayant appartenue à J.P. Rampal
Si Louis Lot est considéré comme le Stradivarius de la flûte, quelquesmarques françaises sont devenues tout aussi prestigieuses : Godfroy,
Bonneville, Lebret, Rive… mais également Buffet Crampon, Laubé, Martin Frères….
Pendant longtemps, le fin du fin en équipement pour flûtiste professionnel
consistait en un étui double contenant une Louis Lot argent et plaqué or et un
piccolo Bonneville…
Les grandes tendances de la facture aujourd’hui :
Si Haynes et Powell dominent le secteur des flûtes de concert dans les
années 1960, les japonais dominent le monde de la flûte de 1970 à 1990 environ
(Yamaha, Muramatsu, Sankyo, Myazawa). Ensuite, les instruments Altus, Pearl ont
droit eux aussi à leurs petits succès.
Mais de manière générale, aujourd’hui on ne recherche plus une flûte
avec un caractère particulier. On recherche tout simplement une flûte sur
laquelle on peut tout faire… Vaste programme !
Flûte Eva Kingma
Parmi les nouvelles flûtes, les plus passionnantes sont celles d’EvaKingma. Elles possèdent un nouveau système avec six clés supplémentaires,
permettant alors de jouer des quarts de ton sur tout l’étendue de l’instrument.
Certains y voient l’instrument du futur, mais ces flûtes ne sont pas encore
très répandues en France.