La monodie profane :
Le développement du chant profane en latin s’est fait en parallèle de celui de la poésie liturgique, ce qui explique qu’il est difficile de discerner les textes sacrés des textes profanes. Toutefois, le chant profane s’accroît considérablement à partir du XI° siècle. Une des collections les plus importantes et anciennes se situe dans un
manuscrit du XI° siècle conservé à Cambridge. Les auteurs sont restés anonymes et aujourd’hui on les désigne sous le nom d’écolâtres itinérants ou e goliards. De tous les manuscrits contenant des chants latins profanes, le plus volumineux est le Carmina Burana, connu surtout pour ses chansons à boire, ses parodies ou ses chants blasphématoires.
Les troubadours :
L’histoire de la poésie lyrique débute véritablement avec les troubadours. Aujourd’hui encore, on ne sait pourquoi elle s’est développée dans un premier temps dans les régions du Sud de la France (Loire, Ouest du Rhône).
La langue vernaculaire utilisée est arrivée jusqu’à nous sous plusieurs appellations : langue d’oc, provençal ou occitan. Le premier troubadour connu est Guillaume IX, comte de Poitiers et d’Aquitaine (1071-1127). Après, nous trouvons les noms de Cercamon, Marcabru et Jaufré Rudel. S’il fallait établir un recensement général des
troubadours, on peut comptabiliser 450 auteurs et environ 2600 poèmes ; de la musique, seules 275 mélodies, écrites par 42 troubadours, sont arrivées jusqu’à nous.
Jusqu’à la fin du XII° siècle, les troubadours utilisaient le terme de « vers » pour désigner tout type de poème chanté. Ensuite apparurent le chant d’amour ou canso (ou chanso), le sirventès (chant ayant un sujet autre qu’amoureux), le joc parti ou partitem (« jeu divisé », sorte de débat),
la pastorale (poésie pastorale), l’alba (ou chant d’aube, dont le sujet évoque la séparation de deux amants à l’aube) et la balada ou dansa (exprimés généralement par une femme).
De manière générale, la forme de ces poèmes est presque toujours strophique, avec un nombre indéterminé de strophes chantées sur une même mélodie. De même que les nombreuses iconographies indiquent la présence d’instruments lors de l’exécution de ces chants, bien qu’imprécises quant à leur emploi aujourd’hui.
Les trouvères :
L’art des troubadours trouva des émules très vite dans d’autres pays et d’autres langues ; cela est dû au fait que ces derniers avaient pour protecteur certains roi de France, d’Espagne ou d’Italie. Eléonore d’Aquitaine (environ 1122-1204), la petite-fille de Guillaume IX, le premier troubadour et
duc d’Aquitaine, s’était fait la protectrice de ces poètes-musiciens ; Chrétien de Troyes, son poète favori, auteur de « romans » chevaleresques en vers, a essayé de traduire en langue d’oil l’esprit des troubadours – il écrivit plusieurs chansons d’amour courtois mais dont l’authenticité n’est pas confirmée.
Eléonore encouragea d’autres poètes tel que Conon de Béthune ou Gace Brulé, faisant ainsi de la cour de Champagne l’un des centres les plus florissants de la fin du XII° siècle.
Même si l’art des troubadours et trouvères est d’origine aristocratique, les premiers trouvères étaient de descendance modeste et trouvaient généralement protection dans les cours ; l’un des plus célèbres trouvères est Thibautde Champagne, roi de Navarre. Plusieurs appartiennent aussi à des universités ou des clergés
et le diocèse d’Arras, dans le nord de la France, va devenir un des fleurons de la littérature musicale profane du XIII° siècle (1250-1300). Adam de la Halle, considéré comme le dernier trouvère, contribua beaucoup au répertoire monodique, et surtout, prit le chemin de la polyphonie profane.
La musique des trouvères est plus importante, en qualité et en nombre, que celles des troubadours : il reste de nombreux chansonniers contenant 2400 poèmes et 1700 mélodies. Parmi les formes musicales, on peut relever :
- les chansons de geste : elles sont apparues au X° siècle. L’une des plus célèbres est la Chanson de Roland. Le sujet de la poésie est épique de manière générale.
- Les lais : son origine est encore obscure. Maire de France fur la première à en écrire. Les sujets traités évoquent les légendes du roi Arthur, les effusions lyriques ou la religion.
- La pastourelle : fortement apparenté à la pastorela des troubadours ; décrit les mœurs et coutumes rustiques.
- Les chansons de toile : sorte de « chanson-tableau », descriptive. C’est l’une des plus anciennes formes de la poésie lyrique française.
- Le rondeau : désignent les danses de ronde où les refrains en chœur alternent avec la danse.
- La ballade : elle possède une forme fixe aab. La version italienne, la ballata, correspond davantage au virelai français.
- Le virelai : elle aussi de forme fixe AbbaA bbaA bbaA
Ainsi, on peut remarquer que le répertoire des trouvères possède de nombreux traits communs avec celui des troubadours, tout en ouvrant de nouvelles perspectives.
Les autres pays :
En Allemagne, le chant vernaculaire existait déjà, avant l’influence des troubadours, sous le nom des scops et de Spielleute (équivalents des jongleurs français), mais aucune trace n’a subsisté jusqu’à nous. Sinon, on trouve les Minnesinger, les équivalents des troubadours et trouvères. Ils traitaient beaucoup
de sujets d’amour courtois et les genres musicaux avoisinaient ceux des français, mais aucune mélodie n’est parvenue jusqu’en 1250 environ.
En Italie, l’influence des troubadours était telle que le provençal est restée la langue « musicale » jusqu’au XIII° siècle. Les poètes du nord se sont eux même qualifiés comme les créateurs d’un style nouveau, avec une thématique centrale, l’amour lyrique. Toutefois, la poésie lyrique profane
commença d’intéresser les italiens au Trecento seulement, mais elle fut traitée presque uniquement en polyphonie.
L’Italie a donc peu produit de monodie profane ; on a conservé que 150 chants sous le nom de laude spirituali, mais ce sont surtout des chants de louange. Ils relèvent de l’influence du chant grégorien, des troubadours et du chant populaire. Quant à leur structure
formelle, elle est très proche de celle de la ronde à refrain.
L’Espagne non plus n’échappe pas à l’influence musicale de la langue d’oc, cela étant dû particulièrement aux contacts des familles régnantes entre les deux pays. Des chants vernaculaires de la péninsule ibérique apparurent dès le début du XIII° siècle ; les plus anciens exemples sont les canciones de
amour (chansons d’amour) de Martin Codex et les Cantigas de Santa Maria.
Des pays proches, seule l’Angleterre n’a pas été influencé par les troubadours et en plus, elle n’a pas beaucoup participé au développement de la monodie profane, même au XIII° siècle.