Enfin une compil Massenet ! Pour souligner le centenaire de Jules Massenet, Decca nous livre la quasi exhaustivité  des oeuvres lyriques (certes il manque nombre d'opéras et oratorios méconnus ou plus célèbres tels Marie-Magdeleine, La Vierge, Ariane, Hérodiade, Bacchus, Roma, Cléopâtre ou Le Mage... entre autres: c'est dire la fécondité d'un auteur français immense qui reste encore à redécouvrir...).  On retrouvera toutefois Don Quichotte (Nicolai Ghiaurov), Esclarmonde (Joan Sutherland), Le Jongleur de Notre-Dame (Roberto Alagna), Manon (Beverly Sills), Le Roi de Lahore, Thaïs (René Fleming), Werther (José Carreras), et surtout l'inespérée et si précieuse Thérèse. Plusieurs formes et genres sont abordés dans ce coffret : des mélodies, les musique de scène et oeuvres symphoniques, la réédition de la Fantaisie pour violoncelle et orchestre, les musiques de ballets tirées des opéras et des cycles chorégraphiques rares...  sans omettre plusieurs raretés telles que La Navarraise, Les Erinnyes, Chérubin, Phèdre (ouverture), sans omettre les Scènes pittoresques et Scènes Alsaciennes.

En cette année jubilaire, à défaut d’un enregistrement de ses opéras Le Mage, Ariane, Bacchus et Panurge, toujours manquants au catalogue, voici une intégrale de l’oeuvre pour piano. Enseignant à la Musikhochschule de Cologne, Stefan Irmer aime faire redécouvrir des pièces négligées et interprète Clementi, Rossini ou Thalberg. Son approche de Massenet est très respectueuse de l’écriture du compositeur, lui-même excellent pianiste. L’oeuvre n’est pas fort abondante, mais de qualité. Irmer a choisi de présenter ces pages oubliées par ordre chronologique. Ainsi débute-t-il par une Grande Fantaisie sur le Pardon de Ploërmel de 1861, pour conclure par deux petites pièces de 1907, Papillons noirs et Papillons blancs., en passant par les Dix pièces de genre op. 10  et le roman d’Arlequin (1871).

Suite au succès populaire et commercial du DVD de La Traviata, Anna Netrebko et Rolando Villazon, les deux jeunes chanteurs les plus en vue du moment, joignent leurs forces pour Manon, le chef-d’œuvre de Jules Massenet. Anna Netrebko est née pour interpréter Manon : c’est une vraie bête de scène, qui traduit très bien le côté complexe du personnage, entre jeune fille et femme en introspection. Rolando Villazon campe un chevalier Des Grieux exceptionnel, aussi bien par la voix que par cette immense présence d’acteur qui nous séduit à chaque performance. Le réalisateur Vincent Paterson a filmé cet opéra à Berlin, à la manière d’un conte hollywoodien ; il réussit une performance moderne qui met l’œuvre en valeur sans jamais en trahir le sens. Musicalement la production est irréprochable. Outre la superbe distribution, Daniel Barenboim dirige l’un des plus beaux orchestres du monde, la Staatskapelle de Berlin.

La présente production de Thaïs à Turin fait avant tout la part belle au spectacle visuel et au beau chant. De facture classique, le soin apporté tant au décor qu’aux costumes atteste une réelle volonté de produire un grand spectacle, à partir d’un ouvrage, qui, en dépit de ses célèbres pages, reste en marge des sentiers battus. Beau chant, c’est incontestable. Les voix sont superbes, le style de chant impeccable et l’engagement dès le premier acte de Nicias et Athanaël, est total. Ils font tous deux preuve d’une présence dramatique et musicale que la qualité de leur chant vient confirmer. Barbara Frittoli, Thaïs, apparaît  dans son entrée si pleine de nostalgie, alors qu’elle va quitter Alexandrie la luxueuse ; la voix s’est considérablement étoffée, voire alourdie, ces dernières années, mais a gagné en puissance et en acuité. Une belle production qui a su gagner le coeur du public.

À 40 ans, le ténor allemand Jonas Kaufmann est en pleine possession de ses moyens, avec son timbre sombre, mâle, volcanique… Il y a sa présence sur scène, un art de la posture, un regard ténébreux magnifié par son allure de jeune premier romantique. « En récital comme à l'opéra, la voix ne doit pas juste sonner : elle doit traduire ou créer une atmosphère, et cela ne peut passer que par un travail sur le corps : des mouvements parfois infimes, presque imperceptibles pour le public, mais qui changent tout en termes de couleur ou de climat  », explique-t-il. Pour un premier Werther, on espère que cela ne soit pas le dernier !

Cette version de 1991 est présente dans l'Intégrale de 23 cd et représente aujourd'hui une des meilleures interprétations de Don Quichotte !

Avec Joyce DiDonato en Cendrillon qui brise les cœurs, l’opéra enchanteur de Massenet, qui revisite le conte merveilleux du même nom, faisait ses débuts en 2011 au Covent Garden de Londres dans la mise en scène charmante et pétillante du français Laurent Pelly. Composé à travers un regard « belle époque », Cendrillon a été créé à l’Opéra comique en 1899 et sa partition somptueuse mélange joyeusement pathos, pastiche, humour, érotisme subtil et magie pure. L’œuvre, négligée durant la majeure partie du 20e siècle, a finalement trouvé sa place sur les plus grandes scènes depuis une trentaine d’années.

« Figurez-vous une pièce sans amour, sans amants, sans exhibition sexuelle, une pièce sans femme, si pure qu’on peut la jouer devant des vierges et si pathétique qu’on a pleuré » écrivait en 1904 Sâr Péladan au sujet du Jongleur de Notre-Dame. Réaction d’un autre temps. Partition foisonnante qui vaut d’abord par sa galerie de portraits pittoresques, parfois même burlesques, parmi lesquels se détachent la figure de Frère Boniface avec sa fameuse "légende de la sauge" et bien évidemment, celle de Jean, jongleur de son état. Le personnage présente suffisamment d’intérêt pour avoir retenu l’attention de Roberto Alagna, autour duquel fut organisée à Montpellier le 4 février 2007 une unique représentation de l'opéra.