Pour composer son Requiem, Reger a
été inspiré par l'actualité tragique de la première guerre mondiale. Il s'agit
d'une œuvre inachevée, qui aurait dû être une des plus vaste et ambitieuse du
répertoire religieux de cette époque, surtout quand l'on sait que les
partitions du compositeur n'excédent pas une heure.
Ce Requiem devait donc être une œuvre
monumentale avec un grand orchestre et un orgue, que le compositeur devait
dédié "à la mémoire des héros allemands tombés dans la guerre de
1914-1915".
Il commença à travailler sur l''œuvre
dès octobre 1914, mais ne pouvait prévoir que la guerre allait durer plus de
quatre ans, et se solderait par une défaite allemande. Aussi, quand il prit
conscience de la réalité de la guerre et de ce qu'elle engendrait pour ses
patriotes, il remplaça le titre par simplement "la grande guerre".
Le Requiem est une œuvre qui utilise
le texte latin, et Reger compose uniquement l'Introit, le Kyrie et le début du
Dies Irae (il ne compose que les trois quarts sur le texte d'origine). La
tonalité choisie est celle de Ré mineur (aux couleurs particulièrement
funèbres), et le compositeur fait aussi le choix de n'introduire aucun élément
contrapuntique ou polyphonique qui sied à ce genre de musique. L'orchestre s'en
tient donc à un grand accompagnement, très nuancé et coloré.
L'ensemble de la partition, même
inachevée, montre les particularités d'écriture de cette époque : les
orchestres larges et fournis en pupitres, la longueur des œuvres, les
contrastes des timbres et instruments dûs au développement de la facture
instrumentale et des recherches...
L'Introit démarre par une grande
pédale de tonique, sur un ré grave, pendant soixante quatre mesures. Le tempo
est très lent, avec un rythme de noires régulières, les quintes à vide font
penser à l'harmonie de Bruckner. Puis les voix se réunissent jusqu'à former un
chœur à sept voix. La basse quitte enfin sa pédale de tonique pour passer à une
pédale de Do, et l'ensemble se rejoint ensuite dans la tonalité lumineuse de Do
majeur. S'ensuit une série de modulations dans les tonalités majeures voisines
et une succession de contrastes (fortissimi et pianissimi, soliste et chœur).
L'Introit se termine par un Requiem aeternam, doux, repris du début.
Le Kyrie frappe par son contraste.
Angoissé, les appels du Kyrie se font sur des quintes à vide, doublées par les
cuivres. Le tempo se fait plus vif et agité. En réponse, le Christe est une
supplication très lyrique, confiée non pas au chœur mais aux solistes. Apres
une pédale de Ré, on réentend les motifs du début jusqu'à ce que la musique
meurt petit à petit.
Le Dies Irae, inachevé, est écrit
dans la tonalité de Fa mineur, et se fait foi aussi d'ambiance apocalyptique.
Parmi les particularités d'écriture de cette pièce, on note quelques éléments
proche de l'atonalité, des sursauts véhéments des chœurs, et en même temps, des
quintes calmes, sereines. Puis, sans prévenir, la partition s'interrompt de
manière brutale.