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24 CONCERTS EXCEPTIONNELS CHEZ PIERRE HENRY

Du 18 au 30 octobre 2010

 

Pierre Henry vous informe qu’une prochaine série de concerts aura lieu dans sa maison. Il donne ces concerts à l’occasion de la parution du livre La Maison de sons de Pierre Henry.

On retrouve la formule « Pierre Henry chez lui » pour la sixième fois avec une conception différente et centrée sur la coexistence entre le visuel et le sonore. Deux concerts par jour, l’un à 18 heures autour d’un autoportrait, le deuxième à 20h30 ayant pour thème Dracula. Nouvelles compositions axées sur le mélange du concret et de l’électronique. Ces concerts, spatialisés en direct par le compositeur dans toute la maison, en multi-diffusion, ont une sonorisation originale inspirée du cinématographe.

L’ouverture des portes de la maison se fait 30 minutes avant le début des concerts pour permettre au public de découvrir les récentes peintures concrètes de Pierre Henry, et d’aborder l’univers de ce créateur de la façon la plus proche.

Pierre Henry est né le 9 décembre 1927 à Paris. En 1944, guidé par Olivier Messiaen, il compose et pense à la musique du futur. Sa rencontre avec Pierre Schaeffer est déterminante pour sa création. Inventeur de procédés techniques de composition maintenant largement standardisés, il n’a cessé de donner à cette musique un souffle et une ambition qu’on ne lui soupçonnait pas au départ, en construisant un ensemble colossal et varié d’œuvres qui continuent de toucher tous les publics et

toutes les générations.

 

Concerts de 18h

Inventions à 3 voix (création pour l’entrée du public)

Phrases de quatuor

Miroirs du temps

Envol (création)

 

Phrases de quatuor

2000, 17’15

 

Franz Schubert et moi-même portons les mêmes lunettes cerclées de métal. Mais notre parenté est plus profonde. J’imagine à ce propos un tourbillon intérieur, un vortex qui nous lie et qui produit un fluide créatif : l’écoulement de la vie.

Dans ces Phrases de quatuor le thème de l’inachèvement est central. On y perçoit par micro-structures de quelques secondes le Quartettsatz, premier mouvement d’un quatuor abandonné au premier tiers en 1820 quand Schubert avait vingt-trois ans. Aux phrases de cet allegro, répondent une dizaine de fragments du Quintette pour cordes que l’auteur composa l’année de sa mort en 1828. Leurs tonalités sont proches : ut mineur pour le quatuor; ut majeur pour le quintette. Deux œuvres de coïncidences et d’analogies : ces allitérations d’écriture sonore s’apparentent par la véhémence des attaques, la fugacité des nuances, le contraste entre d’extraordinaires accès de violence et la douceur séraphique des moments chantants.

En cet univers que j’ai isolé, déstructuré et remonté dans le désordre, comme les pièces d’un puzzle abstrait, se dégage une troisième œuvre issue de la partition des deux autres. J’y ai mis une logique dotée d’esprit et d’accents parfaitement schubertiens. Comme un auto-portrait imaginaire. Ce digest paraît avoir été mixé sur une toile de fond qui lui sert de continuum et dont certains détails font parfois irruption au premier plan. Autant d’interjections, de réactions, de rapprochements, de commentaires issus, esthétiquement et acoustiquement, d’un autre espace et d’un autre temps.

J’interviens dans tout cela pour introduire du suspense, de la respiration et de l’humour par annotations concrètes et atmosphériques. Mes propres sons veulent aussi brouiller les cartes, faire grincer les portes, dégouliner de l’eau, introduire un cri. Le cri que pousse Wozzek dans son rêve. C’est la plainte de l’homme seul perdu dans sa nuit. C’est toute la tristesse du romantisme allemand. C’est Schubert aussi.

 

Miroirs du temps

2008, 23’22

 

C’était en visitant le four solaire d’Odeillo il y a quelques années. J’avais imaginé alors des miroirs captant les heures et les jours. J’ai laissé tout cela mûrir et cet essai temporel est devenu une réalité. Miroirs du temps est un retour à l’attraction des notes de musiques entre elles. Un souvenir d’Olivier Messiaen en sa classe.

Miroirs du Temps : transformation d’énergie, conversation de notes, succession de hauteurs en développement complexe sur une note pivot. Toute une harmonie de rythmes illuminés.

Sons-couleurs, notes ajoutées, bloc-arc-en-ciel comme aimait le dire Olivier Messiaen. Enfin une continuité variable discontinue d’accents.

Mais ici ce qui prime c’est l’écriture de la phrase instrumentale. Enfin j’essaye dans ces miroirs toute une rythmicité spécifique de temps forts et de temps faibles.

Je voudrais citer Paul Valery dans ses Cahiers : « Le temps est une équation entre la permanence et le changement. »

Aujourd’hui, en composant, il me suffit d’un son pour me remémorer une mélodie concrète. Miroirs du temps est une cristallisation de mon passé.

 

Envol

2010, 27’36

Création à Paris

 

«. et que l’éternel coup d’aile n’exclut pas un regard lucide scrutant l’espace dévoré par son vol » Stéphane Mallarmé

Envol est un poème musical, de style ludique ayant un rapport à la dynamique des oiseaux.

Ici les nuances expressives sont dans leur brièveté proches de l’envol, sorte pour moi de nage aérienne. Les composantes naturelles de Envol dérivent de tout ce qui vole. Traces décalées de roseaux, d’escaliers en boucle, de lac, de serpent burlesque qui crache, de sensation auditive, d’étourneaux, de faille, et d’aube frémissante. Une mosaïque de musiques courtes qui s’esquivent, qui s’envolent et qui s’apparentent au Grand Ensemble de mes petits formats en une démonstration d’accords « peinture - musique ».

 

Concerts de 20h

Inventions à 3 voix (création pour l’entrée du public)

Gymkhana

Dracula 2010

 

Gymkhana

1970, 16’47

 

Gymkhana est un mot hindi apparu en anglais en 1861. Le Gymkhana est une fête de plein air, avec des jeux ou des épreuves d’adresse, telles que des Courses d’obstacles bizarrement placés.

Gymkhana automobile, gymkhana motocycliste, gymkhana électroacoustique. Gymkhana électroacoustique (Formule 1)

Paraphrase polyphonique de la Noire à soixante écrite ici pour 12 flûtes, 8 hautbois, 5 tubas, 7 tambours, réalisée sur dix pistes pour dix groupes de haut-parleurs. Mixage en stéréo numérique réalisé en 2010.

« Gymkhana, admirable tapisserie sonore où l’on est pris d’emblée par l’espace temporel de Pierre Henry : les percussions mystérieuses (celle de la Noire à soixante) tombent et résonnent dans le silence, les notes de flûte, de hautbois s’éparpillent lentement ou bien se marient en des points d’orgue sans fin ; et l’on est pris par le mouvement de ces constellations qui tournent lentement en des polyphonies de rythme asymétrique d’une subtilité et d’une force très neuves."

Jacques Lonchampt, 1970

 

Dracula 2000

2010, 38’10

 

« Wagner est une source inépuisable d’orgie émotive. » Julien Gracq

Dracula, animal insatiable, corps transpercé, présence érotique en perpétuelle évanescence m’intéresse. Je sens qu’il a partie liée avec mon travail et mon univers intérieurs. Son mythe pourrait d’ailleurs fort bien se lire comme celui de la musique. Dans le roman de l’Irlandais Bram Stoker qui a fait naître le personnage à la fin du XIXe siècle, l’apparence prise par le vampire, lors de ses apparitions, est celle du brouillard, du nuage, du vent, de la fumée qui se glisse sous les portes. Sa présence se signale toujours par le son : cri du corbeau, hululement de la chouette, battements d’ailes de la chauve-souris, hurlement des loups, et l’orage, la mer, le feu. Présence fluide, sensuelle, en constante mutation, Dracula, comme la musique, ne fait pas peur, ni mal, mais force l’imagination à travailler sur les représentations les plus folles de la terreur et de la profanation. Son pouvoir est celui du rêve flou, du frôlement suspect, du bruit dont on ignore la source. Jouer avec ce personnage-objet sonore a été un régal pour le compositeur que je suis.

L’œuvre s’est bâtie selon ses exigences propres : mélanges de sons électroniques entendus comme une sorte de science-fiction. Intime et d’articulations orchestrales venant d’un autre “Dracula”, j’ai nommé Wagner, extraordinaire investigateur de sensations abyssales.

Avec Wagner et sa technique du leitmotiv apparaît au milieu du XIXe siècle un nouveau type de construction musicale, la “mélodie infinie”, dont l’agencement préfigure le montage cinématographique.

Ces extraits, je les ai soumis à ma dynamique habituelle, coupes, ralentis, accélérés, transposes, non comme des leitmotivs narratifs mis comme des paysages oniriques. Je me souviens avoir composé en 1950 Musique sans titre comme un film sonore, prémonitoire d’une “musique à programme”, formule qui a été souvent mienne. Ce que j’ose nommer aujourd’hui “mon” Dracula est un film sans images remixé en 2010.

J’y ai mis mes souvenirs des films de Terence Fisher et de leurs scènes d’épouvante. J’ai pensé aussi au Nosferatu de Murnau, parce que la splendeur de son noir et blanc, le mystère de ses intertitres m’ont subjugué. Ah! Si l’on disait un jour de ma musique, ainsi que l’on peut lire sur l’un des cartons du film : « Ici commence le pays des fantômes… » N’est-ce pas, tout simplement, la définition de la poésie?

                               

 

                                                                                                                                                                                                                                                   

 
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