MONTEVERDI :
Le Lamento d’Ariana
Monteverdi est considéré comme le créateur
de l’opéra, avec la représentation de sa « favola in musica » Orfeo en 1607, qui fut à la fois un
succès et un bouleversement incomparable dans le monde de la musique.
Toutefois, cette même année, Monteverdi fur frappé par une perte cruelle, celle
de sa femme Claudia, à Crémone.
Il réussit à faire face à
son chagrin grâce à un travail très urgent que lui adresse F. Follino, le
chroniqueur de la cour de Vincent (24 septembre 1607). Un événement très
important doit se dérouler à Mantoue : le mariage de François, le fils
héritier du duc de Mantoue, et de Marguerite de Savoie au printemps 1608. Pour
cette occasion, les festivités doivent surpasser tout ce qui a été fait par le
passé ; le clou des fêtes doit être la représentation d’un nouvel opéra,
pour lequel Monteverdi doit travailler expressément. Ce sera Ariana.
Il fait également préciser
que ce nouvel opéra n’était qu’une des tâches que Monteverdi se devait de
réaliser pour le mariage. Il avait « non
seulement la charge de la musique religieuse et de celle de la cour mais aussi
l’obligation d’écrire pour le duc des musiques supplémentaires, pour les
tournois, des ballati, comédies, concerts variés ; sans compter sa charge
de joueur de viole. » (Giulio Cesare, frère du compositeur)
Il fallut cinq mois de
répétitions pour que Ariana soit
prêt ; l’œuvre fut donnée en représentation le 28 mai 1608. L’exécution
dura deux heures et demie, et d’un point de vue musical, Ariana était aussi richement orchestrée et construite que peut
l’être Orfeo.
Aujourd’hui, il ne nous reste
pratiquement rien de cet opéra, hormis le Lamento
et de courts fragments consignés par Giovanni Battista Doni dans son Traité sur la musique de scène.
Aussi,
pour ce faire une idée d’Ariana,
regroupons les témoignages de l’époque :
« Pour ce qui concerne la poésie et le jeu des
acteurs, l’Ariana peut être
considérée comme un chef d’œuvre. Mais l’opéra suscita la plus grande
admiration de la part du public pour la musique de Claudio Monteverdi, homme de
grand talent, comme de par le monde entier, et qui se surpasse dans cet opéra.
Les instruments d’accompagnement, placés derrière la scène, jouaient
constamment. La distribution instrumentale changeait souvent, et s’accordait au
caractère du chant, et aux voix brillantes des chanteurs et des chanteuses. La
lamentation d’Ariana, abandonnée par Thésée, fut chantée avec tant de chaleur
et de sentiments, elle fut montrée de manière si vivante, que tous les
spectateurs en furent émus profondément, et qu’il ne se trouve aucune femme qui
ait gardé les yeux secs ». (Follino)
Le
Lamento d’Ariana est un énorme succès
en Italie ; Monteverdi avait également pour ce morceau une préférence
telle qu’il l’arrangea sous forme de madrigal à cinq voix (Sixième livre de madrigaux) puis à la fin de sa vie en version
« spirituelle » sur le texte « Jam moriar mi Filli », publiée dans la Selva Morale e spirituale (1640/1641). Cette pièce s’intitule Pianto della Madonna et constitue la
dernière pièce du dernier recueil publié sous le contrôle de Monteverdi
lui-même.
La
préface de Marco de Gagliano pour sa DAFE évoque Ariana de manière très
élogieuse : « Parmi les
nombreuses festivités admirables de Son Altesse avait commandées à l’occasion
du mariage de son fils le prince Sérénissime avec l’Infante Sérénissime de
Savoie, entrait le désir de faire représenter une favola in musica. Cette
favola portait le nom d’Ariana. Le Signor Claudio Monteverdi en a composé les
arias d’une manière tellement exquise que l’on peut affirmer que le pouvoir de
la musique ancienne a été restauré puisque le public en a été remué jusqu’aux
larmes ».
« Le secret de cette musique, c’est l’élément
humain, comme fondement de tous les affetti. C’est ce qui explique son succès »
(Leo Schrade, Monteverdi, édition Lattès 1950).