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 L’Ars Nova :

   

Musique profane et innovations musicales :

 
         
Les historiens évoquent le XIII° siècle comme étant la période culminante du Moyen-Age avec sa stabilité et son unité spirituelle. Toutefois, au XIV° siècle, les musiciens expriment de plus en plus leur dédain pour cette musique et cherchent à fonder un art nouveau. Deux traités datant de 1320 mettent en évidence cette remise en cause : l’Ars nove musice de Jehan des Murs et l’Ars Nova de Philippe de Vitry ; c’est ce dernier qui donne son nom à la musique du XIV° siècle. Les innovations des théoriciens de cette période portent presque exclusivement sur la notation ; par exemple, les motets de Pierre de la Croix cherchent à distinguer des valeurs rythmiques plus petites, mais ce sera Vitry qui ira le plus loin dans ce sens.

Considéré comme « la fine fleur des chantres et du monde des musiciens », Philippe de Vitry écrit beaucoup d’œuvres, mais peu ont survécu jusqu’à nous. Aujourd’hui, quatorze motets lui sont attribués dont quatre avec certitude. Dans ces œuvres, non seulement il applique et développe les principes de la notation franconienne mais trouve également le moyen de mettre sur un pied d’égalité les mensurations binaires et ternaires. La mesure binaire est dès lors totalement acceptée.

C’est donc dans le domaine du rythme que l’Ars nova se distingue car la liberté rythmique nouvellement acquise leur permet plus de variété, davantage d’expression et un développement plus accru des formes musicales. Aucun équivalent de ces complexités rythmiques n’a été retrouvé avant le XX° siècle.

 

Le premier recueil dont les pièces musicales reflètent les innovations de l’Ars nova est connu sous le nom de Roman de Fauvel. Il s’agit en fait d’un long poème satirique écrit par Gervais de Bus, un clerc de la chancellerie des rois de France (1313-1338). Cette satire médiévale est caractéristique de la corruption sociale symbolisée par un baudet dénommé Fauvel.

Le nom même de Fauvel est rempli de significations cachées ; chacune de ses lettres évoque les six vices du siècle : Flatterie, Avarice, Vilenie, Vanité, Envie et Lâcheté. De même toutes les classes sociales, y compris le roi et le pape, manifestent ces vices dès qu’ils étrillent Fauvel.

      Extrait de la partition du Roman de Fauvel

Cette satire est devenue populaire car on l’a retrouvé dans douze manuscrits, mais dont un seul contient les interpolations musicales, dues pratiquement à Chaillou de Pestain. La collection musicale de 34 motets et un grand nombre de chants monodiques, parfois liturgiques, des conduits, des séquences monodiques, des lais, des rondeaux et des ballades. Malgré l’emploi de la langue vernaculaire dans le Roman, les interpolations musicales sont pour la majorité sur des textes latins.

 

En dehors du Roman de Fauvel, le Codex d’Ivrea est la première source importante de la polyphonie du XIV° siècle. Il contient une trentaine de motets, 25 réalisations de l’ordinaire de la messe, et des chants profanes (rondeaux, virelais, canons, chaces) ; certaines pièces sont attribuées à Vitry et Guillaume de Machaut.

 
 

La polyphonie liturgique


          Si l’on regarde de près l’état de la musique liturgique au XIV° siècle, on s’aperçoit que l’Eglise n’a jamais cessé de protéger les arts, et ce, malgré les périodes les plus sombres. Rappelons que l’Eglise est ébranlée quelque peu avec la « captivité » des papes à Avignon (1305-1378), la rivalité entre deux et même trois prétendants au trône papal durant le Grand Schisme (1378-1417). Même si l’Eglise ne se trouve pas à son meilleur niveau, la prospérité des cités créent un marché immense pour l’architecture, la peinture, la sculpture et les musiques profanes, permettant par la même occasion l’embellissement de l’Eglise.

C’est au XIV° siècle que l’on voit apparaître les premiers mouvements de messe. Après un siècle où les compositions liturgiques étaient délaissées, il fallut adapté la musique aux nouvelles techniques musicales, tellement elles différaient des formes et styles anciens de la polyphonie religieuse. Si l’Ecole de Notre-Dame avait limité ses compositions aux chants des offices et du propre de la messe, le XIV° siècle s’atèle à mettre en valeur les chants de l’ordinaire de la messe. Cela annonce de profonds changements au sein de la polyphonie.

En tant que composition musicale, un messe comporte cinq pièces chantées pour l’ordinaire : Kyrie eleison, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei. La seule même complète datant du XIV° siècle est la Messe de Nostre-Dame, composée par Guillaume de Machaut. Toutefois, des parties de messe ont pu être conservées mais demeurent rares. 

Quatre exemples sont connus :

-          la messe de Tournai : contient les cinq chants de l’ordinaire et un motet sur Ite Missa est. Elle n’a pas été composée comme une unité puisque le Kyrie, le Sanctus et l’Agnus Dei sont en notation franconienne du XIII° siècle et les autres pièces sont caractéristiques de l’écriture de l’Ars nova.

-          La messe de Toulouse : comme sa congénère à Tournai, cette messe n’est pas écrite dans l’unité et ressemblent davantage à une composition de pièces musicalement indépendantes.

-          La messe de Barcelone : considérée elle aussi comme une messe de compilation, elle préfigure la polyphonie du XV° siècle et propose une synthèse des différents styles musicaux.

-          La messe de la Sorbonne : autrefois connue sous le nom de messe de Besançon, elle est peut être attribuée à Johannes Lambuleti – il serait alors le deuxième compositeur du XIV° siècle à avoir écrit une messe complète.


L’écriture polyphonique de cette époque développe plusieurs styles musicaux :

-          le style de motet : le motet a eu une grande influence dans l’écriture musicale étant donné qu’il était le seul genre polyphonique pratiqué. Dès lors, les messes de ce style présentent moins de diversité et d’indépendance que les autres et que le motet lui-même.

-          Le style de chanson : le style polyphonique adapté au chant profane est du majoritairement à Machaut. Ce style consiste en un chant soliste au-dessus d’une partie de teneur sans paroles ; une troisième voix de contreteneur sans texte peut aussi être ajoutée.

-          Le style simultané : de loin le plus important, car toutes les parties sont vocales et toutes chantent ensemble les mêmes mots du texte. De même, la structure rythmique est identique à toutes les parties. La place pour les figures ornementales est limitée mais pas inexistante ; il s’agit de brefs mélismes dans la plupart des cas.

 

Guillaume de Machaut :

          Guillaume de Machaut est le premier compositeur du Moyen-Age à faire l’état d'une biographie. Son apport musical est tel que ses innovations seront développées dans une biographie séparée.

 
    Guillaume de Machaut composant de la musique

 

L’Ars-nova italienne : le Trecento : 

          La polyphonie profane italienne est apparue soudainement au XIV° siècle sans qu’on puisse y déceler d’antécédents. Comme on l’a vu précédemment, lors de la Croisade des Albigeois (1209-1229), nombreux furent les poètes-musiciens qui se réfugièrent en Espagne et dans le nord de l’Italie ;  la langue française (provençal) était même de rigueur durant la majeure partie du XIII° siècle. Ce n’est qu’avec Dante (1226-1321) et ses contemporains que la poésie lyrique adopte la langue italienne.

Le premier document évoquant la polyphonie italienne est le Traité de Marchetto de Padoue « Pomerium artis musicae mensuratae » (Verger de l’art de la musique mesurée) datant de 1319 environ. En l’étudiant, l’on remarque que les musiciens italiens utilisaient des procédés musicaux différents de ceux de l’Ars-nova française : ils employaient des combinaisons de mesures et de rythmes inconnus en France et une notation bien à elle. 

Le manuscrit musical le plus ancien de cette période est le Codex Rossi du Vatican, dont il ne reste qu’un fragment contenant 37 pièces.

      David et les musiciens, XIV° siècle

 

Parmi les différentes pièces musicales italiennes, nous trouvons :

-          le madrigal : il est la première forme et la plus ancienne de poésie profane a été traitée de manière polyphonique. Les sujets évoqués sont aussi divers que variés (amoureux, satiriques, moralisateurs…), tout autant que sa forme n’est pas encore fixée dans l’ensemble. De manière générale, un madrigal consiste en deux ou trois terzetti (couplets) suivis d’un ritornello (refrain) de deux vers, donnant ainsi ABB CDD EE ou ABB CDD EFF GG.  La polyphonie est à deux parties où les deux voix chantent le texte, et alterne entre un style mélismatique et un style syllabique.

-          La caccia : forme qui désigne une technique canonique. La forme typique est une polyphonie à trois voix, où les deux voix supérieures forment un canon et la voix inférieure est une teneur indépendante du contrepoint. Elle se subdivise en deux sections : la première étant le canon, la seconde consistant en une ritournelle. Quant à leurs textes, ce sont souvent des descriptions ou des dialogues.

-          La ballata : elle est l’équivalent du virelai français et non de la ballade française comme l’appellation le porte à croire. La forme la plus courante est A bba A bba A bba A mais la ballata la plus fréquente est celle avec une seule strophe est un refrain A bba A.

 

  Contrairement à la France, l’Italie connaît davantage le nom de ses compositeurs. Parmi les grands noms, Maestro Piero, Jacopo da Bologna et Giovanni da Firenze, puis dans un deuxième temps, Francesco Landini, le compositeur le plus célèbre de son temps considéré comme l’équivalent de Guillaume de Machaut, Niccolò da Perugia et Bartolino da Padova. En comparaison de Machaut, on ne peut dresser de biographies pour ces musiciens dont leur vie se mêle à celle de leurs œuvres, et si on veut en apprendre davantage sur eux, il faut se livrer à une étude de leurs œuvres afin d’apprécier toutes les spécificités de la musique italienne.


                                                                                                                                                                                                           

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