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Pierre Schaeffer (1910 - 1995)

 

Connu d’abord comme le père de la musique concrète, Pierre Schaeffer est également un écrivain et un pionnier de la radio ; il est le fondateur et directeur du service de la recherche de l'ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française). Penseur et chercheur, il a mené une réflexion sur la communication audiovisuelle, et surtout, sur la musique. Son œuvre théorique est d’ailleurs aussi importante que sa production musicale est réduite.

 

 

Pierre Schaeffer naît le 14 août 1910 à Nancy dans une famille de musiciens. Il entame ses études au Lycée Saint-Sigisbert-Saint-Léopold de Nancy, avant d’être admis en 1929 à l’école Polytechnique, puis à l’école supérieure d’électricité et des télécommunications de Paris, dont il sort diplômé en 1931. Après avoir occupé quelques temps un poste d’ingénieur en télécommunications à Strasbourg, Schaeffer se révèle un esprit curieux : il s’intéresse à quelques théories particulières sur la nature humaine, se met à écrire et, alors qu’il est embauché à la radiodiffusion française sort son premier roman en 1938, Clotaire Nicole. Cependant, la musique va faire peu à peu son entrée dans sa vie : il étudie notamment l’analyse musicale auprès de Nadia Boulanger de 1935 à 1943 et entame une chronique sur la radiodiffusion dans la Revue musicale.

Mobilisé en 1939 et démobilisé en juillet 1940, Pierre Schaeffer anime Radio Jeunesse en octobre, puis fonde Jeune France, un organisme officiel fondé en collaboration avec Emmanuel Mounier et Alfred Cortot, et chargé de chapeauter la production culturelle française. Fin 1941, il est nommé ingénieur à la radio de Marseille, où il rencontre Jacques Copeau. Avec lui, il organise en 1942 le stage de Beaune sur la radio et les arts-relais. Il crée cette même année le Studio d’essai au sein de la Radiodiffusion française et y enregistre La coquille à planètes, opéra radiophonique. A la fin de la guerre,  Cantate à l’Alsace, sa suite sonore, est jouée par l’Orchestre de la Radiodiffusion Française et devient l’un des premiers morceaux interprétés sur les ondes d’une radio désormais libérée.

 

La musique concrète :

Avec le Studio d’Essai, Schaeffer commence à théoriser sur la nature même de la musique face aux nouvelles technologies. Il compose cinq « études » faites de collages et de bruitages enregistrés sur bande qu’il regroupe sous l’appellation générale Cinq Etudes de Bruits en 1948. Cette étrange création est le point de départ d’une réflexion globale sur la musique concrète telle que la conçoit Schaeffer : une enfilade harmonique de sons formant un objet musical global fixé sous sa forme définitive par le biais des technologies de radiodiffusion.


Schaeffer fait la connaissance du compositeur Pierre Henry, de dix-sept ans son cadet, en 1949. Henry, qui cherche un co-auteur pour les besoins de La Symphonie pour un Homme Seul (chorégraphié par Maurice Béjart et qui fera le tour du monde en 1955) est séduit par les théories novatrices de son nouvel « associé ». Ensemble, ils créeront Orphée 51 ou Toute la lyre, la première musique de scène mélangeant voix, instruments et bande magnétique.

Schaeffer fonde le Groupe de recherche de musique concrète au sein de la radio en 1951 qui accueille quelques pionniers des musiques sur bande, attirés par les idées novatrices de Schaeffer comme Karlheinz Stockhausen ou Robert Cohen-Solal.

En 1952, il expose ses théories dans son ouvrage  A la Recherche d’une Musique Concrète (1952). Le livre fait l’effet d’une petite révolution dans le milieu des compositeurs, des mélomanes et des scientifiques planchant sur les effets acoustiques et surtout, la perception qu’en ont les auditeurs. Il réalise également une première anthologie des œuvres du Studio d’essai et du Club d’essai, qu’il intitule Dix ans d’essais radiophoniques (1942-1952).

En 1953, chargé de mission au ministère de la France d’outre-mer, Schaeffer crée la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France d’outre-mer), organisme reconnu officiel en 1955 et dont il est remercié en 1957.

 

Le GRM :

En 1958, année de composition de l'Étude aux allures, de l'Étude aux sons animés puis de l'Étude aux objets, le Groupe de recherche de musique concrète devient le Groupe de recherches musicales (GRM), un laboratoire dans lequel aura lieu toutes les expérimentations.  Le GRM accueille un grand nombre de compositeurs et de théoriciens du son comme Pierre Boulez, François Bayle, Jacques Lejeune, François Bernard Mâche, Ivo Malec ou Iannis Xenakis, et produit et édite également la plupart des compositeurs qui en sont membres. Il finance aussi plusieurs travaux de recherches et thèses universitaires consacrées au son, à la sociologie musicale ou à l’esthétisme sonore.

Ces travaux multiples aboutissent à une synthèse qui remet en question la musique, l'écoute, le timbre ou le son. Le monumental Traité des objets musicaux (1966) dresse d’ailleurs le bilan de ce années de recherche.

Pierre Schaeffer laisse par la suite la direction du GRM à François Bayle pour se consacrer principalement au Service de la Recherche qu’il a fondé en 1960. Il occupera ce poste jusqu’en 1975, année du démantèlement de l’ORTF. Le Service de la Recherche laisse alors la place à un Institut national de l’audiovisuel (INA). Il est alors membre du CNRS (1967-1975).

 

Après la publication de son Traité des objets musicaux, Pierre Schaeffer n’abandonne pas pour autant la musique : il assure à partir de 1968 un séminaire au Conservatoire de Paris sur la musique expérimentale. Dans toutes ces conférences, il prolonge les thèses de son Traité.

En 1970, Pierre Schaeffer présente un bilan de la recherche sur les modes et systèmes de la communication audiovisuelle et de 1971 à 1975, il est président de la Commission de recherche du Conseil international du cinéma et de la télévision à l’UNESCO. En 1970 et 1972 paraissent les deux volumes des Machines à communiquer.

Il consacre maintenant l'essentiel de son temps aux recherches de réseaux spécifiques de communication et à son activité littéraire. De nombreuses émissions lui sont consacrées et il reçoit des honneurs tels que celui de membre honoraire de la faculté des Arts de l’Université de Tel Aviv en 1982 ou le Prix McLuhan de la communication à Montréal en 1989, ainsi que de nombreux hommages au Centre Georges-Pompidou, l’Ina, la Cité des sciences, Polytechnique, pour n'en citer que quelques-uns.

Les dernières années de la vie de Pierre Schaeffer sont marquées par son combat contre la maladie d’Alzheimer, maladie qui le ronge pendant des années. Pierre Schaeffer s’éteint le 19 août 1995 à Paris.

 

La production musicale :

La production musicale de Pierre Schaeffer est assez réduite, constituée d’œuvres essentiellement électroacoustiques. Elle fut crée en plusieurs périodes. La première est celle de la musique concrète, avec les Etudes de bruits (1948) et quelques pièces brèves telles que la Flûte mexicaine (1949) et l’Oiseau (1950).

La seconde série est celle des œuvres composées en collaboration avec Pierre Henry : le Bidule en ut (1950), la Symphonie pour un homme seul (1949-1950) et l’opéra concret Orphée 51 (1951, remanié de nombreuses fois). Dans Orphée 51, l’association provocante dela bande magnétique et du chant classique fit scandale à Donaueschingen !

La troisième série d’œuvres fut composés quelques années plus tard. Schaeffer cherche alors à créer une « musique concrète purement musicale », sans effets surréalistes. Ainsi naissent l’Etude aux allures (1958), l’Etudes aux sons animés (1958) et surtout l’Etudes aux jouets (1959) qui utilise un nombre limité d’objets sonores assemblés de cinq manières différentes en cinq mouvements.

En 1960, Pierre Schaeffer arrête de composer, estimant que la musique avait davantage besoin de chercheurs que d’auteurs. Mais ses nouvelles disponibilités en 1975 lui laissent le temps de réaliser avec Bernard Dürr, une série de pièces à base de sons électroniques, le Trièdre fertile.

 

Le Traité des Objets musicaux :

Dit le T.O.M., le Traité de Schaeffer est un monument encore très mal connu qui bouscule trop d’idées pour être accepté. La musique est envisagée comme un « art-carrefour » où se rencontrent la linguistique, la psychoacoustique, la phénoménologie… Parmi les idées révolutionnaires de cet ouvrage :

-          Distinction des « quatre écoutes » : écouter, ouïr, entendre, comprendre

-          Analyse du « circuit de la communication musicale » en quatre secteurs : définition de l’objet sonore et de l’écoute réduite, dialectique perspective de l’objet et de la structure, critique des notions classiques de timbre…

-          « La musique est fait pour être entendue » : récusant la composition sur papier

-          « La musique est double : culturelle et naturelle »

Paru en 1966, le T.O.M. s’est révélé prophétique car de nombreuses thèses ont été confirmées par des expériences menées à l’aide d’ordinateur.

 

                                                                                                                                                                                                              

  

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