Claudio
Monteverdi est l'un des plus grands compositeurs italien de sa génération,
établissant une réelle transition entre deux époques, faisant le trait-d'unionentre la Renaissance et le Baroque.
Il a joué un rôle décisif dans leschangements musicaux et procédé à un changement en profondeur du langage
musical, remettant en cause la modalité pour l'émergence d'un nouveau concept :
la tonalité. Même si la première partie de sa carrière est marquée par
l'univers de la Renaissance, la seconde fait de lui un compositeur typiquement
baroque.
Claudio
Monteverdi a été baptisé à Crémone le 15 mai 1567. Son père Baldassare
Monteverdi, apothicaire et médecin, peut lui offrir une éducation, notamment
des études musicales auprès de Marc Antonio Ingegneri, m'agite de chapelle à la
cour de Crémone. Le manque de documents nous empêche de savoir s'il fut son
élève particulier ou s'il suivit son enseignement à La Chapelle de la
cathédrale. Très jeune, il se forme à la composition, pratique les instruments
et s'instruit littérairement.
En 1582,
à l'âge de quinze ans, il publie à Venise, un
recueil de « Sacrae Cantiunculae » (petits
cantiques sacrés), à trois voix, au contrepoint parfait, dédicacés à Ingegneri, dont il se
déclare le disciple. L'année
suivante, il publie des « Madrigali
Spiritual » (madrigaux
spirituels) à 4 voix, et en 1584, des « Canzonette » à 3 voix. Quelques années plus tard (1587), le premier
de ses six Livres de madrigaux, à 5 voix, publié par Gardano et Amadino à Venise, le fait
connaître au-delà des frontières italiennes.
En 1590,
il publie son deuxième livre de madrigaux à 5 voix, cette fois dédicacé à Giacomo Ricardi,
pour lequel il a déjà joué de la viole à Milan. Ce "voyage" peut
laisser penser que le jeune Claudio était sûrement à la recherche d'un emploi.
Avec ce second livre de madrigaux, il s'affirme pour la première fois en tant
que compositeur mûr. Les madrigaux les plus aboutis s'appuient sur des textes
du Tasse, poète qui suscite beaucoup l'imaginaire de Monteverdi.
Monteverdi
sera engagé l'année suivante (1591) à la cour de Mantoue (une des cours les
plus artistiquement brillantes, rivalisant de près avec celle des Médicis à
Florence) en tant que violiste et chanteur, entrant ainsi au service du duc
Vincenzo Gonzague, où il restera en service jusqu'en 1613. À la suite du duc,
il fera quelques rares voyages, pour la Hongrie (1594) et les Flandres (1599).
Le
troisième livre de madrigaux (1592) est dédicacé à son employeur et honoré
principalement deux poètes ayant séjourné à la cour de Mantoue : le Tasse et
Guarini. Le choix des textes est désormais orienté vers le pathétique alors
très en vogue dans la dernière décennie du XVI° siècle.
Durant
cette dernière décennie, Monteverdi pourra entendre il Pastor Fido de Guarini,
épouse également Claudia Cattaneo, une chanteuse (1599) et surtout élaboré un
nouveau type d'écriture musicale libéré de nombreuses contraintes. La décennie
suivante et cette amorce du nouveau siècle sera donc décisive pour l'avenir du
compositeur.
De cette
"nouvelle musique", Monteverdi va en faire très vite les frais. En
1600, le compositeur et chanoine
Giovanni Maria Artusi (v. 1540 – 1613), publie à Venise,
L'Artusi overo della imperfettioni della moderna musica (L'Artusi, ou
les imperfections de la musique moderne), portant en sous-titre « deux
dissertations, dans lesquelles on considère beaucoup de choses utiles et nécessaires
aux compositeurs modernes ».
À
travers son ouvrage, il attaque vigoureusement les compositeurs qui ne
respectent pas les règles traditionnelles du contrepoint. Il cite plusieurs
exemples musicaux, anonymement, mais en réalité il s'agit d'oeuvres de
Monteverdi, qui ne paraîtront que ses quatrièmes et cinquièmes livres de
madrigaux en 1603 et 1605. La critique principale critique concerne l'usage des
dissonances, trop utilisées par Monteverdi, alors qu'elles sont devenues
nécessaires à la bonne expression du compositeur et de tous les modernes.
Monteverdi
répondra en plusieurs étapes : la parution de son quatrième de madrigaux (1603)
contenant des pièces critiquées par Artusi, le début d'écriture de son traité
sur la seconda prattica (traité inachevé) et enfin une postface ajoutée à ses
Scherzi musicali (1607) dans laquelle il explique le principe de prima prattica
et de seconda prattica.
La prima
prattica consiste en l'utilisation traditionnelle des règles du contrepoint au
détriment des paroles (comme l'ont respecté Ockeghem et toute la génération
suivante au XVI° siècle). La seconda prattica veut au contraire que ce soit le
texte poétique qui gouverne la composition musicale.
En
réalisant cette préface, Monteverdi réunit autour de lui tous les musiciens qui
ont bouleversé la musique italienne de cette fin de siècle (Péri, Caccini,
Gesualdo, Cavalieri...). Parmi ces bouleversements, la naissance de la basse
continue permettant une plus grande liberté à la voix soliste, alors soutenue
par les instruments.
Entre
1607 et 1610, l'activite créatrice de Monteverdi s'intensifie : 1607 est l'année
de la création d'Orféo, pastorale dans le style antique, sur un livret
d'Alessandrino Striggio (fils du compositeur). L'Orfeo est aujourd'hui
considéré comme l'exemple le plus abouti des opéras de cour du debut du XVII°
siècle, et surtout comme le premier "vrai" opéra (version devenue un
peu trop schématique).
En 1608,
Monteverdi croule sous le travail. A l'occasion du mariage du prince héritier,
il doit mettre en musique un opéra (Arianna), le prologue d'une comédie
(Idropica) et un ballet (le Ballo delle
Ingrate). En l'espace de quelques mois, il doit mettre en musique plus
de 1500 vers!!!
Malheureusement,
de ces trois oeuvres, il ne reste plus aujourd'hui que le Ballo delle Ingrate
entièrement conservé et le lamento de l'opera Arianna, une des pages les plus
populaires de Monteverdi.
En 1610,
il livre sa dernière grosse contribution à la cour de Mantoue, avec des oeuvres
religieuses : une Messe à six voix et des Vêpres en l'honneur de la Vierge.
En 1613,
il est engagé comme maître
de chapelle de San Marco de Venise (l'institution musicale la plus
prestigieuse et la plus convoitée de toute l'Italie), après des musiciens célèbres comme
Willaert, Cyprien de Rore, Zarlino, Gabrieli... Désormais, l'essentiel de sa
vie s'organise autour de la basilique et de la production de musique
religieuse. Cette attitude le mènera à la prêtrise en 1630 (sa femme est
décédée à Crémone en 1607).
Il
compose abondamment, mais curieusement, en trente années de service, il ne fait
publier qu'un seul recueil de musique sacrée Selva Morale e Spitiruale,
contenant une quarantaine de pièces de dimensions très diverses.
En ce
qui concerne la musique profane, il livre le «
Septimo Libro de madrigal a
1,4 e 6 vocci, con altri generi de canti » (1619), le Combat de
Trancrede et Clorinde (1624), puis le huitième et dernier recueil de madrigaux,
les célèbres Madrigali guerrieri e amorosi, pour voix et instruments divers en
1638. Il compose également de
nombreuses œuvres dramatiques, aujourd'hui perdues, dont on ne conserve que le
Ritorno d'Ulisse in patria / le Retour d'Ulysse (1640), l' llncoronazionedi
Poppea / le Couronnement de Poppée (1643).
Le
langage musical de Monteverdi est révolutionnaire, certes, mais il faut rappeler
qu'il n'en est pas l'initiateur. En effet, Monteverdi s'inscrit dans la
nouvelle ère du temps avec des goûts nouveaux et des pratiques nouvelles, dues
majoritairement aux réflexions des Humanistes de la Renaissance.
L'écriture
de Monteverdi révèle toujours les deux univers complémentaires avec la prima
prattica et la seconda prattica, que certains appellent stile antico et stile
moderno. Il assume à la fois le contrepoint vigoureux de sa jeunesse et
expérimente les nouvelles techniques stylistiques en vogue comme la monodie
accompagnée ou les nouvelles formes instrumentales.