Henri Dutilleux (1916 / 2013)
|
Henri Dutilleux est l'un des plus grands compositeurs français
du XX° siècle. Parti d'une tradition classique, il prend conscience, en 1944,
des problèmes de langage qui se posent au compositeur contemporain. Sa musique,
oscillant entre tonalité et modalité, efface les repères, remodèle les
structures afin de privilégier une souplesse mélodique et rythmique, et une
aisance instrumentale davantage subtile. "Il y a évidemment une forme
particulière à chaque œuvre, selon une évolution intérieure. Ce problème de
formes, de structures qui s'éloigneraient des cadres préfabriqués me préoccupe
de plus en plus".
|
Henri Dutilleux est né à Angers le 22 janvier 1916. Henri est
issu d'une famille d'artistes, son grand-père Constant Dutilleux est un
peintre, ami avec Delacroix et Corot. Son grand-père maternel, Julien Koszul
est compositeur et organiste, proche de Gabriel Fauré, et directeur du
Conservatoire de Musique de Roubaix, où Roussel comptera parmi ses élèves.
Durant la première guerre, sa famille part se réfugier en Mainte
et Loire, puis réintègre Douai et la région Nord après l'armistice.
Dutilleux adolescent © LIPNITZKI
Il commence ses études musicales aux côtés de Victor Gallois, au
Conservatoire de Douai, puis entre au conservatoire de Paris en 1933. Il aura
pour maîtres Jean Gallon (harmonie), Noël Gallon (contrepoint et fugue), Henri
Büsser (composition), Philippe Gaubert (direction d'orchestre) et Maurice
Emmanuel (histoire de la musique). En 1935 et 1936, il obtient les premiers
prix d'harmonie, de contrepoint et de fugue. En 1938, il obtient le grand prix
de Rome pour sa cantate l'Anneau du Roi, mais son séjour à la villa Médicis est
interrompue par la guerre. Il servira un an comme brancardier avant de rentrer
à Paris en 1940. Durant la guerre, il travaille comme pianiste, orchestrateur
et professeur, découvre Vincent d'Indy, Stravinsky ou Albert Roussel. Il adhère
au Front national des musiciens, organe de la Résistance, assume les fonctions
de chef de chœur de l'Opera de Paris (1942) et entre au service de la
Radiodiffusion française (1944).
Sa première œuvre "Sarabande" est jouée à Paris en
1941 par l'orchestre Pasdeloup, sous la direction de Claude Delvincourt. En
1942, il crée ses Quatre mélodies et la Danse fantastique pour orchestre.
L'année suivante, ce sera la Sonatine pour flute et piano, puis en 1944 La
geôle, une mélodie pour orchestre.
Après la guerre, il épouse la pianiste Geneviève Joy, qui fut longtemps son interprète (Sonatine pour piano, 1948).
Geneviève Joy et Henri Dutilleux
De 1945 à 1953, ilcompose beaucoup de musiques de scènes, de musiques de films et de musiques
destinées à la radio. Ces dernières pièces, il refusera de les publier, ne
voulant pas les sortir de leur contexte initial.
Ce travail à la radio sera à l'origine de sa réflexion
musicologique et le point de départ de sa propre évolution.
À la première de Le Loup, avec Carzou, Anouilh et Roland Petit. © Collection particulière Henri Dutilleux
Henri Dutilleux se rend à Boston aux Etats-Unis en 1959 pour
assister à la création de sa deuxième Symphonie - la première ayant été créée
en 1951 - sous la direction de Charles Munch. A cette commande se succèdent les
Métaboles (1965), un Concerto pour violoncelle et orchestre que Rostropovitch
avait demandé à Dutilleux. Ce concerto est intitulé Tout un monde lointain
(1970)
En 1961, Alfred Cortot l'appelle comme professeur de composition
pour l'Ecole Normale de Musique à Paris. Il assurera la présidence de l'École
Normale après la mort de son fondateur et restera professeur associé à partir
de 1970. Cette même année, il sera nommé professeur de composition au
Conservatoire de Paris. Parmi ses autres activités pédagogiques, il est invité comme
conférencier et professeur dans de nombreux pays, notamment appelé en résidence
au Tanglewood Music Center en 1998.
Dutilleux, professeur à l'Ecole Normale de Musique Alfred Cortot ©ENMP
Quelques années plus tard, il crée son quatuor à cordes Ainsi la
Nuit (1977), qui eut un franc succès - fait inhabituel lors de la création pour
ce genre. Peu après, ce fut la création de Timbres, Espaces, Mouvement pour
orchestre. En octobre 1985, a été créé un Concerto pour violon (par Isaac
Stern), en 1989 Mystère de l'instant pour 24 cordes, qui fut revisité pour
orchestre en 1995. De 1991 date les Citations (dyptique pour hautbois,
clavecin, contrebasse et percussion), de 1997 The Shadows of Time pour voix
d'enfants et grand orchestre, de 2002 Sur un même accord (crée par Anne-Sophie
Mutter) et de 2003 Correspondances (créé par la Soprano Dawn Upshaw).
Parmi les distinctions qui lui furent attribuées, le grand prix
national de la musique (1967), le grand prix international du disque de
Montreux (1983), le prix Maurice Ravel (1987), le Praemium Impariale du Japon
(1998), le prix international Ernst von Siemens (2005). Ce prix est
l..équivalent du Nobel de la musique et honore ainsi le troisième compositeur
français a le recevoir (aux côtés de Messiaen et Boulez).
Henri Dutilleux disparaît le 22 mai 2013, laissant derrière lui
une œuvre majeure, abondamment jouée de son vivant, dans le monde entier. Sa
production n'est pas abondante mais présente les qualités d'une forme achevée.
Chaque œuvre est réfléchie et mûrie, chacune marquant une étape dans
l'évolution des formes musicales.