Erik Satie (1866 –
1925)
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Erik Satie est un cavalier solitaire. Réfractaire à la tradition, sa
musique puise dans les influences populaires, la musique du Moyen-Age, la
musique asiatique. Il ne veut pas du gigantisme symphonique ni de la recherchesubtile d’une sonorité mais se dirige vers le dépouillement.
Et pourtant, cettefigure emblématique trouve écho en son temps en adaptant les philosophies à la
mode, telles que l’anti-wagnérisme ou le dadaïsme de ses dernières années.
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Erik Satie est né à Honfleur, en Normandie le 17 mai 1866. Sa mère
était anglaise, de confession protestante ; son père, courtier maritime,
catholique. Il commence ses études musicales avec Vinot, un professeur de piano
ancien élève de Niedermeyer, puis suit les cours au Conservatoire à Paris dans
les classes de piano, solfège et harmonie.
Ses premières pièces, Ogives
(1886), sont des œuvres brèves pour piano, très influencées du plain-chant
moyenâgeux. Les Trois Gymnopédies (1888) et les Trois
Gnossiennes (1890-1891) se révèlent par leur mélancolie et leur harmonie
simple. La découverte de la musique de l’Asie et d’Europe centrale à
l’Exposition Universelle de 1889 ont probablement marqué ces pièces. Elles sont
son plus grand succès auprès du public.
De 1889 à 1895, il traverse un période « engagée », en se
liant au mouvement de la Rose-Croix de Joseph Péladan. Plusieurs œuvres
naissent de cette période : la musique de scène Le Fils des étoiles (1891), Trois
sonneries de la Rose-Croix pour piano (1891-1892), des Danses gothiques
pour piano (1893) et un Prélude de la
porte héroïque du ciel (1894). En 1895, il prendra ses distances avec
Joseph Péladan.
Satie gagne sa vie dans le quartier de Montmartre, en tant que
pianiste accompagnateur au cabaret du Chat-Noir, puis de l’auberge du Clou, où
il fait la connaissance de Debussy. Pièces
froides pour piano (1897), pantomime Jack
in the box (1899) et un petit opéra pour marionnettes, Geneviève de Brabant (1899) sont fortement influencées de ces
endroits.
En 1898, il prend ses distances avec la vie parisienne et s’installe à
Arcueil, dans une chambre retirée. C’est à ce moment qu’il décide de donner des
titres « humoristiques » ou « dérisoires » à ses pièces
pour piano, pourtant pleines de talents : Trois morceaux en forme de poire pour piano à quatre mains (1903), Aperçus désagréables (1908-1912), Préludes flasques et Véritables préludes flasques pour un chien
(1912)…
Erik Satie chez Debussy
A l’âge de trente-neuf ans, il décide de reprendre ses études
musicales. Il s’inscrit à la Schola Cantorum et passe son diplôme de
contrepoint (dans la classe de Roussel). En habit de cheval (1911) pour
orchestre est écrite après cette « expérience », mais furent
néanmoins mal reçues par le public. Pourtant, lui explique : « Mes chorals égalent ceux de Bach, avec cette
différence qu’ils sont plus rares et moins prétentieux ».
Ravel va dévoiler au public une partie de l’œuvre de Satie, encore
méconnue. C’est le début de la gloire. Satie compose sans fin. En 1914, il
écrit Sports et Divertissements :
Satie réalise un dessin à base des notes sur la portée, complétant les
commentaires verbaux qui ornaient les marges de ses partitions, mais qu’il
défend de lire à haute voix !
Avec le ballet Parade
(1917), crée au Théâtre du Chatelet sur un argument de Cocteau et des décors de
Picasso, Satie attire le malentendu. Pour ce ballet cubiste, Satie décide de
coller à l’ambiance du projet et de faire des effets de bruits (machine à
écrire, sirènes), des répétitions de thèmes élémentaires, des rythmes
mécaniques.
L’année suivante, il compose Socrate,
certainement son chef-d’œuvre, sur une commande de la princesse de Polignac
afin de lui retirer son image de provocateur. En 1920, il collabore avec
Milhaud pour une expérience d’avant-garde, une musique
« d’ameublement » qui consiste à faire jouer à l’ensemble instrumental
les mêmes petites phrases, en boucle. Puis il se trouve associé au mouvement
dada avec la musique du ballet Relâche
(1924).
Mais sa musique dégarnie ne plait pas à tout le monde parisien. Aussi,
il s’entoure d’un groupe de jeunes disciples, avec lesquels il fonde l’Ecole
d’Arcueil : Henri Clique-Pleyel, Roger Désormière, Maxime Jacob, Henri
Sauguet et Charles Koechlin. Mais là aussi, seul son nom est utilisé. Sa
musique dénudée et satire attire moins que l’emblème du personnage. Son œuvre
devient autonome par rapport à lui-même, évoluant dans les années au-delà des
étiquettes et des mouvements esthétiques.
Vers la fin de sa vie, Satie se fâche avec pratiquement tous ses
admirateurs, ou presque. Il meurt tristement le 1er juillet 1925 à
Paris.
Erik Satie, par Man Ray
La musique de Satie est déroutante et provocante avec ses lignes
épurées, ses rythmes simples, ses enchaînements harmoniques inattendus. C’est
pour cela qu’elle ne fut pas « comprise ». Mais elle possède une
importance historique remarquable car elle se situe à la croisée d’esthétiques
diverses.