Franco Donatoni (1927 - 2000)
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Figure importante de la musique contemporaine italienne, Franco Donatoni laisse une œuvre originale dont le style musical varie entre le post-bartokien et hasard de John Cage. Mais plus encore, il établit son propre langage lui permettant de « prendre conscience de ses schémas de pensée » ; ce qui ne l’empêche pas de fonder certaines de ses compositions
sur un
matériau externe (Schoenberg, Stockhausen) ou historique (évocation du motif B.A.C.H.). Pour résumer sa démarche compositionnelle, « avoir conscience de ses propres schémas de pensée est beaucoup plus profond qu’exercer sa pensée à inventer des schémas ».
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Né à Vérone en 1927, Franco Donatoni commence l’étude de la musique dès l’âge de sept ans avec l’apprentissage du violon et s’y consacre à plein temps dès la fin de ses études secondaires sur les encouragements de son premier maître, Piero
Bottagisio. Ses études musicales s’effectuent à Bologne où il obtient un diplôme de chef de chœur (1950) et de composition (1951) et Rome où il suit les cours d’Ildebrando Pizzetti jusqu’en 1953.
Menant de pair sa fonction de compositeur, il exerce également comme professeur dans les plus grandes écoles de Bologne (harmonie et contrepoint), Milan (conservatoire Giuseppe Verdi, 1955-1967), Turin (1968), Milan (composition, 1969),
participe aux cours de Darmstadt (1954, 1958, 1961) et aux cours d’été de l’Académie de Sienne (depuis 1970). En 1978, il succède à Goffredo Petrassi à la chaire de composition de l’Académie Sainte-Cécile de Rome.
Si ses premières compositions sont écrites dans un langage post-bartokien, Franco Donatoni entreprend
un virage de son style musical et développe des principes sériels invoquant des procédés de hasard influencés directement de John Cage et une symbolique très forte dans le jeu des chiffres. For Grilly, improvisation pour sept musiciens (1960) ou Sezioni pour orchestre (1961) reflète cette écriture musicale qui n’en semble pas une, comme si l’auteur renonçait à tout jeu sur l’écriture elle-même.
Dans
les œuvres suivantes, Donatoni fonde son travail sur un matériau musical préexistant. Ainsi Souvenir (kammersymphonie op.18), créé à Venise en 1967, contient 363 fragments de Gruppen de Stockhausen, Etwas ruhiger im Ausdruck pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano (1967) empreinte
son matériau de base à la huitième mesure du second morceau de l’opus 23 de Schoenberg.
Il en va de même pour Solo pour dix cordes (1969), Secondo Estratto pour harpe, clavecin et piano (1970) ou Quarto Estratto pour huit instruments (1974). Puis, il s’intéresse sérieusement au hasard – To Earle Two pour deux orchestres (1971/1972) « composition funéraire, déprimante, dépressive,
sépulcrale, exercice sur la matière inerte, abstention à l’égard de la forme » (Donatoni) – et revient vers un style où l’on décèle à nouveau quelques pôles harmoniques et formels : Voci pour grand orchestre (1972/1973) construit sur le célèbre motif B.A.C.H., Lied pour treize instruments (1972) dont la base musicale est issue d’une œuvre de Sinopoli, Espressivo pour hautbois, cor anglais et grand
orchestre (1973-1974) où le compositeur tient son public en haleine avec une seule hauteur sonore.
Pour Donatoni, la plupart de ces morceaux appartiennent à la « tendance auto-négatrice » qu’il affirme avoir dépassé en 1976 : « la tendance à la négation de soi-même donnait à
la matière l’immanence de lois de développement impersonnel (…) je suis totalement certain désormais que l’exercice ludique de l’invention est une activité volontaire nécessaire à la croissance. » (1977)
En 1981, il écrivait aussi : « Je pense être l’héritier d’une condition dans laquelle, sans pour autant nier à priori l’inventivité, il faut toujours proposer la problématique
des moyens comme représentation d’un acte d’une existence menacée par l’aphasie. »
Donatoni est alors en plein dans sa période de maturation et élabore des techniques musicales de plus en plus poussées (manipulation et transformation du matériau, cellules intervallaires prolifiques) qui laissent alors le champ libre à un jeu frénétique, une rigueur, une fantaisie et une intensité produisant
une succession pressante d’épisodes qu’il devient impossible de prévoir. Toutefois, cette mobilité est toujours menacée d’aphasie car on remarque l’obsession de revenir au matériau, non pas pour le répéter mais le transformer, le transmuer.
La plupart de ces œuvres composées les vingt dernières années de son existence
suivent cette écriture : Lumen pour six instruments (1975), Portrait pour clavecin et orchestre (1976-1977), Arie pour voix de femmes et orchestre (1978-1979), le Ruisseau sur l’escalier pour 19 instruments et violoncelle solo (1980), Feria pour cinq flûtes, cinq trompettes et orgue (1981), Atem opéra (1985), Midi pour flûte (1989), Small II pour flûte, alto et harpe (1993), Algo IV pour guitare et douze instruments
(1996), Poll (1998) et Alfred, Alfred opéra-comique autobiographique (1995-1997) crée en 1998.
A l’instar de ces opéras et quelques pièces vocales, Donatoni s’est principalement intéressé à la musique de chambre, bien que certaines comme la série des Refrain (Refrain I, 1986 ; Refrain II, 1991 ; Refrain III, 1993 ; Refrain
IV, 1996) tirent leur matériau musical d’Alfred, Alfred, toujours autant « de liens, d’obligations, d’empêchements à représenter pour mieux connaître sa prison et y vivre le mieux possible. » (Donatoni)