La Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur fut écrite en
pleine Première Guerre Mondiale, entre fin juillet et début août 1915. Écrite
d'un seul jet lors d'un séjour à Pourville, devant la mer, cette sonate se veut
patriotique. Debussy veut que sa musique arbore les couleurs françaises.
En effet, Debussy regrettant de ne pouvoir participer à l'effort
de guerre souhaitait que sa musique prouve que "trente millions de
Boches ne peuvent pas détruire la pensée française". Emporté par un
nationalisme exacerbé, Debussy souhaite revenir aux formes traditionnels, dans
la lignée des Concerts de Rameau.
La Sonate pour violoncelle s'inscrit dans une série
envisagée de six sonates, écrites pour divers instruments, toutes dans l'esprit
des maîtres français du XVIII° siècle. "Rien ne peut excuser d'avoir à
ce point oublié la tradition inscrite dans l'oeuvre de Rameau, remplies de
trouvailles géniales presque uniques..."
Debussy ne pourra aller au bout de son projet, la mort ayant
décidé d'emporter le compositeur avant la réalisation de sa série complète.
Seule trois Sonates virent le jour : la Sonate pour violoncelle et piano
(1915), la Sonate pour flute, Alto et harpe (1915) et la Sonate pour
violon et piano (1917).
A l'origine, Debussy avait pensé à intitulé sa Sonate pour
violoncelle Pierrot fâché avec la lune, en hommage à Watteau ou à un de ses
contemporains poète comme Jules Laforgue ou Albert Giraud (inspirateur du
Pierrot Lunaire). La Sonate fut créé le 4 mars 1916 à Paris, et oubliée la même
année aux Éditions Durand.
Selon Debussy, le violoncelle à la partie la plus importante,
soliste, reléguant le piano au simple rôle d'accompagnant : "Que le
pianiste n'oublie jamais qu'il ne faut pas lutter contre le violoncelle,mais
l'accompagner".
La Sonate pour violoncelle et piano :
La Sonate pour violoncelle se compose de trois mouvements : un
prologue, une sérénade et un finale.
Le Prologue débute par une introduction lente, sostenuto
e molto risoluto, donc construite avec rigueur. Le ton peut être hésitant,
langoureux mais majestueux, alternant entre majeur et mineur. Nous découvrons
ici le thème principal, qui deviendra récurrent dans les autres mouvements de la sonate. Apres cet instant doux et
rêveur, Debussy place un mouvement plus énergique, redoublant de doubles
croches, sous un accompagnement lent et langoureux au piano.
Soudain, tout s'anime Animando poco a poco (agitato). Le piano
est doté de traits rapides en triples croches, sous un violoncelle grave en
double piano avec syncopes. Cette agitation est ensuite interrompue par le
retour du thème dans l'aigu au violoncelle, "largement déclamé".
S'enchaine une partie plus libre Rubato, quasi cadenza, retenue
selon les volontés du compositeur.
Le thème revient une nouvelle fois, toujours animé puis de plus
en plus lent. Il devient de plus en plus fuyant, s'évanouissant dans l'aigu,
sous la couleur du ré mineur modal.
La sérénade possède un caractère plus "fantasque et
léger", avec beaucoup de notes piquées et pizz au violoncelle. Comme s'il
souhaitait évoquer des guitares ou des mandolines, le violoncelle se rythme sur
une habanera et des harmoniques raffinées. Debussy se plaît ainsi à utiliser
différentes modes de jeux sur son soliste. Les expressions sont à la fois
douces et opposées, passant un double piano à un double forte, se faisant à la
fois ironique et expressif.
Une brève agitation permet d'enchainer à un mouvement Vivace.
Puis après quelques mesures, le Rubato fait place, presque lent, toujours plus
dans le registre aigu. La musique se dissout progressivement, pour faire place
au Finale.
Le Finale contraste avec la mélancolie précédente de la
Sérénade avec ce mouvement animé, léger et nerveux. Debussy a choisi de nous
faire entendre des sons hispanisants, évoluant cette péninsule ibérique par ses
rythmes et mélodies lyriques, rapides semblant une course effrénée (triolets de
doubles).
S'enchaine un passage plus libre avant une Réexposition
appassionato ed Animando. Une brève cadence ah violoncelle, plus lente précède
les vigoureux accords conclusifs qui achèvent cette sonate.