La
sonate n°12 est la dernière de l'opus 5 composé par Corelli en 1700. Écrites
pour violon et basse continue, les six premières sonates sont des sonates da chiesa
(sonates d'église) et les six dernières, des sonates da caméra (sonates de
chambre).
La
douzième sonate utilise le thème de la Follia
et prend la forme d'un thème suivi de 23 variations.
Écrite
pour violon solo et basse continue, cette dernière est généralement réalisée au
violoncelle et au clavecin et/ou théorbe.
Les
instruments de la basse continue ne sont pas fixes et peuvent être changés. Par
exemple, le violoncelle peut être remplacé par un basson et le clavecin par un
théorbe. Le soliste peut ne plus être un violon mais une flûte par exemple. Il
existe de nombreusestranscriptions pour
des instruments différents.
Toutefois,
le fait de recourir à un instrument soliste, et non deux comme dans d'autres
groupes de sonates, permet à Corelli de réaliser une partition dans laquelle le
soliste peut étaler sa virtuosité et montrer toutes les ressources de son
instrument.
Structure
:
La
Sonate n°12 op.5 se découpe en plusieurs parties :
1-
introduction : thème et variation n°1
2-
première partie : de tempo rapide, allant de la variation 2 à 7
3-
deuxième partie : instable par des changements de tempo incessants, allant de
la variation 8 à 15
4-
troisième partie : de tempo rapide, allant de la variation 16 à 23.
Ces
variations ne sont pas le fruit du hasard et ont été mûrement réfléchies, dans
un souci d'équilibre de construction rigoureux.
La
tonalité générale de cette sonate est ré mineur. Corelli est resté dans la
tonalité originale et n'en bouge que très peu dans ses variations, avec une
modulation en fa majeur et quelques emprunts aux tons voisins.
Analyse
détaillée :
Introduction
:thème et variation n°1
Corelli
reprend la présentation traditionnelle du thème de la Follia avec une
métrique à 3 temps, la tonalité de ré mineur, un tempo lent et une structure en
16 mesures, divisées en deux sections de 8 mesures. Il se permet d'ajouter
quelques ornements mélodiques, mais garde un ambitus restreint et le rythme
pointé caractéristique.
L'ensemble
du thème comprend 16 mesures, divisées en deux parties de 8 mesures, avec un
antécédent et un conséquent.
La
première section(l'antécédent) débute
en ré mineur (mesure 1 à 4), module en Fa majeur (mesure 5), revient en ré
mineur (mesure 7) et termine par une demi-cadence (mesure 8), comme il est
d'usage à cette époque.
La
seconde section (le conséquent) répète le même schéma à l'identique, à
l'exception de la conclusion à une cadence parfaite (mesure 16).
On
peut même noter que l'antécédent et le conséquent se divise chacun en groupes
de 4 mesures. Les quatre premières mesures de l'antécédent sont les mêmes que
les quatre premières mesures du conséquent.
Ainsi,
à travers ce thème, Corelli illustre rigueur et symétrie, tout en préservant la
simplicité de la ligne mélodique du thème. Toutes les variations garderont
ensuite cette structure d'antécédent et de conséquent, y compris pour celles
qui ne feront pas 16 mesures.
La
première variation reprend le même schéma harmonique, le même tempo et
la même forme que le thème principal. Elle se divise en deux fois huit mesures,
avec antécédent et conséquent.
La
partie de basse évolue non plus avec des valeurs longues (blanches pointées)
mais par noires successives. Elle perd son rôle d'accompagnement et devient une
ligne contrapuntique dans laquelle se dégage le thème.
La
partie soliste du violon est elle aussi modifiée et Corelli fait commencer la
mélodie sur un temps faible (sur le second temps de chaque mesure), donnant
ainsi un caractère haletant.
Première
partie : variations 2 à 7
De
structure 2 x 8 mesures, la variation n°2 trouve ses changements au
niveau du rythme, de la mélodie et du tempo. Le tempo devient Allegro et la
mélodie évolue avec des arpèges en croches tantôt descendants, ascendants ou
brisés. La basse retrouve ses valeurs longues afin que toute l'attention soit
sur le soliste. L'ensemble donne un caractère fluide et détendu.
La
variation n°3 possède, elle, un caractère agité, plus dynamique que les
précédentes, avec des doubles croches dans la première partie, puis des
triolets dans la seconde partie.
Dans
l'antécédent, les notes du thème apparaissent au premier temps de chaque mesure.
Un dialogue s'installe entre le soliste et le continuo, avec une série de
doubles croches, chacun alternant d'une mesure sur l'autre.
Le
conséquent reprend ce même principe de dialogue entre les instruments, mais
avec des triolets en arpèges, faisant ainsi passer un zest de ternaire dans une
mesure binaire.
Les
variations 4 et 5 marchent par paire. Chacune possède cette même carrure
de 2 x 8 mesures.
La
variation 4 voit sa mélodie transformée par l'apparition d'une tierce sur
chaque premier temps, immédiatement suivie d'un saut d'octave. Quant à la basse
continue, elle attaque sur le temps faible (second temps de la mesure) par
sauts octaves descendants. Elle fait ainsi écho à la première variation par son
caractère haletant.
La
variation 5 reprend le même principe que la variation 4, mais en effet miroir.
C'est-à-dire que la partie de violon est jouée à la basse et celle de la basse
au violon. Les rôles sont alors intervertis. Le violon reprend le caractère
haletant des sauts d'octave d' descendants pendant que la basse discoure avec
les croches.
Les
variations 6 et 7 fonctionnent elles aussi par paire, toujours avec
cette carrure de 16 mesures, divisées en antécédent / conséquent.
La
variation 6 voit le retour des doubles croches à la partie soliste, avec la
mélodie néanmoins très présente. La basse continue reprend les sauts d'octaves
des variations précédentes.
La
variation 7 est elle aussi le miroir de la variation 6. Désormais, la basse
évolue dans les doubles croches pendant que le soliste se résigne aux sauts
d'octaves, faisant entendre nettement la mélodie.
Ces
deux variations montrent un caractère dynamique, de part les doubles croches
rapides, les arpèges et surtout une virtuosité accentuée crescendo tout au
long.
Deuxième
partie : variations 8 à 15
Cette
seconde partie est surtout caractérisée par des changements de tempi et de
mesures (binaire / ternaire), provoquant un caractère assez instable.
La
variation 8 tranche avec le dynamisme et la virtuosité des variations
précédentes. Mélancolique, l'antecedent propose un tempo Adagio et des arpèges
au violon, par groupes de deux, sur intervalles de tierces. La basse, elle, est
toute en noire, régulières, accentuées sur chaque deuxième temps, avec le
rythme caractéristique de la Follia.
Le
conséquent amène une ornementation croche/deux doubles croches à la partie
soliste, participant à un caractère plus léger.
Pour
la première fois, la variation 9 propose une carrure différente de celle
des 16 mesures imposées jusqu'à maintenant. Nous avons là 15 mesures, divisées
en 1 x 8 mesures + 1 x 7 mesures.
Le
tempo est plus rapide, Vivace, et contraste énormément avec la variation
précédente. Avec un dialogue constant entre les deux parties, elle amène un
caractère virtuose provoqué par des arpèges en doubles croches, parfois en
mouvements contraires.
Les
deux parties se rejoignent en homorythmie dans les deux dernières mesures et
enchaînent directement sur la variation suivante. De cette manière, la
résolution de cette variation se fait sur la variation 10.
La
variation 10 possède elle aussi une carrure irrégulière, avec 17
mesures, divisées en une partie de dix mesures, et une seconde de sept mesures
seulement. Par sa métrique, Corelli rompt avec le binaire et inclut pour la
première fois un rythme ternaire à 3/8, insufflant ainsi un élan de renouveau à
son Ĺ“uvre.
Cette
variation est très brève et de style contrapuntique, avec deux voies distinctes
en mouvements contraires. Le violon fait entendre des sauts d'intervalles très
larges, créant un effet de surprise, sous un rythme haletant au continuo.
La
variation 11 est la variation centrale, créant la symétrie de cette
Sonate. De tempo Andante, elle possède un caractère noble et majestueux,
en complète opposition avec la variation précédente. La métrique n'est plus à 3
temps, mais à 4 temps. De même, les parties ne font plus 16 mesures, mais
seulement 8 mesures, divisées en 2 x 4 mesures.
Dans
cette variation, on retrouve le thème principal, enrichi d'une tierce, sous une
basse marchante en croches régulières.
Les
variations 12 et 13 marchent par paires. Toujours de 8 mesures chacune,
elles possèdent toutes deux un caractère fluide. Elles ne procèdent pas par
écho comme l'ont fait les variations paires précédentes, mais possèdent chacune
une métrique différente.
La
variation 12 est à 4/4 alors que la variation 13 est ternaire avec une métrique
de 12/8 seulement pour la partie de violon.La basse continue ne marque que les temps
forts de chaque mesure (soit le premier et le troisième temps), pendant les
deux variations. Le violon joue des croches en arpège dans la variation 12,
alors que ces mêmes croches auront une rythmique ternaire dans la variation 13.
Des traits de virtuosité plus importants apparaîtront dans la variation 13 avec
des quintes descendantes en degrés conjoints en doubles croches.
Les
variations 14 et 15 fonctionnent elles aussi par paires, et retrouvent
cette fois la carrure rigoureuse de 16 mesures chacune et une métrique à 3
temps.
La
variation 14 est de tempo Adagio, provoquant encore un contraste avec les
variations précédentes. La mélodie évolue cette fois en valeurs longues chez le
soliste, pendant que la basse continue le soutient par des noires régulières.
La
variation 15 possède une écriture harmonique, verticale et use systématiquement
des arpèges en triolets à la basse. La partie soliste est de grande simplicité
et se voit confier des valeurs longues, sur lesquelles le soliste peut ajouter,
s'il le souhaite, des ornements. Pour la première fois, la mélodie s'éloigne
réellement du thème de la Follia.
Troisième
partie : variations 16 à 23
Avec
la variation 16, nous retournons à la stabilité. Corelli use jusqu'à la
fin d'un tempo unique Allegro et reste sur une mesure à 3/4.
De
caractère dansant, cette variation propose des échanges entre le soliste et le
continuo, basés sur des arpèges. Dans l'antécédent, Le violon aura lui un
rythme immuable (qui fait écho aux variations 4 et 5), alors que la basse
reprend le rythme de la Follia. Dans le conséquent, les rôles seront inversés,
sauf que le rythme est légèrement différent afin que le violon soit
complémentaire de la basse.
Dans
la variation 17, on retrouve une basse proche de celle de la variation
8, avec des noires régulières arpégées qui font apparaître la mélodie. Mais
tout l'intérêt de cette variation réside dans la partie de violon avec des
syncopes et des sauts d'intervalles importants. Le jeu est tantôt legato,
tantôt staccato, créant son petit effet aux lignes mélodiques.
La
variation 18 impose par son caractère virtuose. Toujours de carra ruer
régulière de 16 mesures, avec son antécédent et son conséquent. Le soliste est
pourvu d'arpèges brisés, descendants pour la première section, puis ascendants
pour la seconde section. Le continuo possède, lui, une ligne simple, mettant la
vélocité du soliste en avant.
La
variation 19 est un moment de repos après ce dynamisme accru. Mélodique
et mélancolique, le violon et le continuo s'imitent, dans le procédé de la
marche harmonique. Corelli emploi des figures rythmiques différentes dans
l'antécédent et dans le conséquentrompant ainsi toute monotonie musicale.
Comme
pour la première partie, les quatre dernières variations fonctionnent par
paires. Les variations 20 et 21 retrouvent une carrure plus courte de 8
mesures chacune (avec antécédent et conséquent de 4 mesures).
Cependant,
dans la variation 20, le violon évolue dans une métrique à 9/8 alors que la
basse conserve l'originale à 3/4. Corelli fait aussi entendre un premier
changement harmonique depuis le début de la Sonate, en terminant avec la
tonalité de Fa majeur. C'est la seule véritable modulation de l'ensemble de la
Sonate.
La
variation 21 n'est que le miroir de la précédente, inversant les données entre
les parties. En utilisant ce principe du miroir, la variation, commencée en Fa
majeur, se termine en re mineur, la tonalité principale.
Les
deux dernières variations terminent de façon grandiose cette Sonate.
Virtuosité, trémolos rapides sont les caractéristiques de la variation 22, évoluant
un peu vers un caractère hispanisant. Pendant ce temps, la basse utilise des
figures régulières.
La
dernière variation n'est qu'un miroir de la variation 22, les partis
s'échangeant une dernière fois. Le thème réapparaît une dernière fois, en valeurs
longues, au violon. Pour cette dernière variation, Corelli modifie légèrement
la carrure et ajoute 4 mesures, de coda, avec deux cadences parfaites afin de
retarder la fin de la Sonate.