« La Cinquième Symphonie exprime à un très
haut degré le romantisme dans la musique, le romantisme qui révèle l’infini ».
(E.T.A. Hoffmann)
La Symphonie n°5 en ut mineur de
Beethoven est l’œuvre qui le caractérise le plus. L’œuvre a acquis une très
grande renommée dès les premiers temps et son succès ne s’est pas démenti par
la suite. Il n’est pas possible de dater précisément la composition de cette
symphonie, puisque Beethoven a conçu plusieurs idées thématiques dès 1795, puis
forme une première esquisse en 1803, mais se met surtout à l’écriture à partir
de 1805 pour être achevée en 1080.
Entre temps, Beethoven s’est
interrompu mieux se mettre à la composition de la Quatrième Symphonie, l’opéra
Fidélio (première version), la Sonate n°23 « Appassionata », les
quatuors à cordes n°7-8-9, le Concerto pur violon, le Concerto pour piano n°4
ou encore la Messe en ut majeur.
En mars 1808, Beethoven mentionne
dans une lettre au comte Franz von Oppersdorf : « Le dernier mouvement de la Symphonie a trois
trombones et un octavin – et bien qu’à vrai dire il n’y ait pas trois timbales,
cette combinaison d’instruments produira quand même plus de bruit et, qui plus
est, un bruit plus agréable que six timbales ».
Pourtant, le soir de la première
exécution, le 22 décembre 1808, ne laissait pas présager une telle notoriété.
Au programme de ce concert fleuve de quatre heures figurait la Symphonie Pastorale (« n°6), l’aria
« Ah Perfido », le Concerto pour piano n°4, la Symphonie en ut mineur (n°5), la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre,
et trois morceaux de la Messe en Ut
majeur. En raison de la médiocrité de son interprétation – Beethoven
s’était mis l’orchestre à dos, à tel point que celui-ci refusait de jouer sous
la direction du maître – la Symphonie n°5 n’a pas été appréciée à sa juste
valeur.
Il faut attendre la seconde
présentation de l’œuvre à Leipzig le 23 janvier 1809 pour être appréciée, puis
à Vienne en 1812-1813 pour avoir du succès. Quand à son exécution parisienne,
elle suscita de nombreux émois : « (…) les acclamations, les chut, les applaudissements, les éclats de
rire convulsifs, contenus pendant quelques secondes, ont tout d’un coup ébranlé
la salle avec une telle force que le puissant orchestre, submergé par cette
trombe d’enthousiasme, a disparu complètement. Ce n’est qu’au bout de quelques
instant d’une agitation fébrile que le spasme nerveux, dont l’auditoire entier
était possédé, a permis aux instrumentistes de se faire entendre »
(Berlioz, Gazette musicale de Paris, 1834)
Quand Mendelssohn présenta l’œuvre
au piano à Goethe en 1830, ce dernier (qui ne voulait jamais entendre parler de
Beethoven) fut remué : « C’est
très grand, c’est absolument fou ! On aurait peur que la maison s’écroule…
Et si c’était joué maintenant par tous les hommes ensemble ! »
Analyse :
La cinquième Symphonie ne diffère
pas des autres symphonies de son époque, dans le sens où Beethoven utilise
toujours les modèles convenus avec une structure en quatre mouvements, et des
formes conventionnelles comme la forme-sonate pour le premier mouvement. En
revanche, cette symphonie est la première symphonie « cyclique » de
l’histoire, car Beethoven se plaît à réutiliser le motif initial dans les
quatre mouvements, donnant ainsi une unité unique à l’œuvre.
Premier
mouvement : Allegro con brio
Ce mouvement, reconnaissable par
son thème initial (trois notes brèves identiques suivies d’une note longue),
est un équilibre à lui seul : chaque partie dure en moyenne 120/130
mesures. C’est « une des plus
incontestables réussites de la musique de tous les temps » (André
Jolivet)
Sur la signification des quatre
notes d’ouverture, Beethoven répondait : « Ainsi le destin frappe à la porte ». Ce motif est joué
plusieurs fois jusqu’à un appel de cor fortissimo, devançant l’énoncé du second
thème, plus lyrique.
Le Développement se concentre
essentiellement sur le premier thème et oublie complètement le thème lyrique.
La Réexposition débute par une accalmie soudaine (« Adagio » plaintif
au hautbois) puis, c’est la redite sans changements. Un trait rapide des
violons amorce la Coda qui fait apparaître une nouvelle phrase aux cordes. Un
énorme fortissimo de douze mesures avec le tutti termine l’Allegro.
Second
mouvement : Andante con moto
Avec ce mouvement, on se rapproche
d’une forme Thème et Variations. Celui-ci débute avec un thème lyrique aux
altos et violoncelles, auxquels s’ensuit un second thème énoncés aux
clarinettes et bassons. Très vite, des passages contrastés plus violents se font
entendre.
Vient ensuite une première variation construite sur des arabesques aux cordes,
sous lesquelles nous pouvons entendre le motif rythmique initial de l’Allegro.
S’ensuit une seconde variation,
puis un contrechant animé qui annonce l’arrivée du second thème. Contrastes et
modulations s’enchaînent dans ce mouvement, jusqu’à la Coda ;
Troisième
mouvement : Allegro
Ce mouvement n’est pas un Scherzo
mais semble plutôt être un prolongement de l’Allegro initial ou un prologue au
dernier mouvement (tout dépend de l’analyse). Il est construit sur une forme
tripartite ABC.
Le morceau commence par des basses mystérieuses, auxquelles répondent les
cordes, puis les bois de manière répétitive. Survient aussitôt aux cors, les
quatre notes du premier mouvement, en une sorte de marche.
La partie centrale consiste en un
premier fugato exposé aux violoncelles et contrebasses, suivi d’un second
fugato exposé par les bassons, altos et quatuor.
La dernière partie fait entendre le
motif de ce mouvement, suivi par le thème cyclique. Ce dernier est énoncé
pianissimo, donnant l’impression de se dissoudre. Puis, c’est la timbale qui
marque une pulsation obsédante sur laquelle s’effectuent des modulations. Un
crescendo saisissant sur les dernières mesures aboutit à un thème triomphal.
Nous sommes au Finale. Qui s’enchaîne.
Quatrième
mouvement : Allegro
Le thème est vainqueur, lumineux.
Il n’est pas sans rappeler celui du grand finale de Fidélio, dont la composition fut contemporaine voire simultanée).
Des développements par mouvement ascendants et descendants cèdent la place au
second thème aux bois fortissimo. Clarinettes et bassons présentent ensuite un
nouveau thème, tout autant triomphal avant de conclure cette exposition.
La partie centrale est
essentiellement une suite de variations et modulations des motifs antérieurs.
Pour finir, Beethoven prend un thème de marche. Le rythme s’accélère et le
Presto amène la Coda avec un dernier retour du thème cyclique initial, énoncé
en fanfare énergique. La symphonie se conclut par une succession de huit
accords fortissimo !